Des ballots de cocaïne échoués sur les plages affolent les gendarmes
L'histoire pourrait prêter à sourire. Dimanche 25 février, un Nantais de 40 ans, en villégiature sur la côte, découvre un étonnant colis sur une plage des Moutiers-en-Retz (Loire-Atlantique) : un ballot de cocaïne d'une vingtaine de kilos. Au lieu d'alerter immédiatement les autorités, l'homme laisse quelques heures son encombrante trouvaille à l'abri d'un rocher, puis revient sur les lieux, charge la marchandise dans sa voiture et la livre au commissariat de Nantes le lendemain.
C'est exactement le genre d'aventure que policiers et gendarmes souhaitent éviter : la cocaïne abandonnée à ciel ouvert, exposée à toutes les convoitises, sans que l'on pense à les appeler sur-le-champ. Ainsi, dimanche, le temps de l'hésitation du promeneur, " le colis a visiblement été manipulé par un tiers, et partiellement entamé ", révèle un enquêteur nantais.
Ce scénario pourrait se répéter à l'envi, car les " naufrages de drogue " se multiplient depuis le début de l'année. La première cargaison a été signalée à Lacanau (Gironde), le 7 janvier. Depuis, les " arrivages " se succèdent régulièrement de Bayonne à Lorient, en passant par les plages de Vendée et de la Loire-Atlantique. En tout, 17 lots ont été repérés, soit une prise d'environ 260 kg. Les enquêteurs de la section recherche (SR) de la gendarmerie de Poitou-Charentes, chargés de l'affaire, ont leur idée sur l'origine de la cocaïne. Pour eux, des trafiquants ont été " dérangés " dans leur livraison. " Avarie de leur navire ou contrôle maritime inopiné, on ne sait pas. En tout cas, ils ont été obligés de lâcher leur butin dans l'eau... "
" Très pure ", la drogue viendrait de Colombie. Bien conditionnée dans d'épaisses couches de sacs hermétiques et du caoutchouc, elle est " encore consommable " quand elle s'échoue sur le littoral. " Elle est surtout extrêmement dangereuse par rapport au produit revendu dans la rue, qui est coupé et recoupé ", précise-t-on à la SR de Poitiers.
Le navire qui a transporté les stupéfiants n'a pas encore été identifié. " Des demandes ont été faites auprès des autorités espagnoles, portugaises et marocaines afin de vérifier si d'éventuels contrôles ont été réalisés ces derniers temps... " Des analyses sur la drogue sont en cours pour déterminer, notamment, son temps d'immersion dans l'eau. Une piste parmi d'autres : les enquêteurs ont appris que, le 30 décembre 2006, 1 800 kg de drogue avaient été interceptés en Espagne. L'une des embarcations poursuivies avait alors jeté sa cargaison à l'eau.
En attendant, les autorités redoutent que ces flux d'alcaloïdes n'aiguisent la rapacité de malfrats. " Au vu de ce qui arrive et la durée sur laquelle cela s'étale, on peut penser qu'on est en présence d'une quantité phénoménale de cocaïne ", indique un enquêteur. Officiellement, le littoral fait l'objet d'une surveillance accrue mais " on ne peut pas positionner des hommes partout ". La discrétion reste de mise. " A largement plus d'un million d'euros le ballot, on peut craindre que cela amène de très mauvais clients ", renchérit un proche du dossier, sous couvert d'anonymat. " On est partagé entre le désir de sensibiliser le public à cette affaire pour être immédiatement prévenus en cas de découverte et la peur d'une mauvaise publicité attirant les trafiquants sur les côtes ", concède un enquêteur de la SR de Poitiers.
Yan Gauchard
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