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10 juillet 2007

VDS95 PSYKA CONTE RUSSE 090707

Jusqu’au milieu du XXe siècle, le conte était considéré par les historiens européens de la littérature comme un genre mineur, appartenant au mieux à la littérature enfantine. C’est dans la tradition ouverte par la psychanalyse, qui reconnaît dans la personne de l’enfant un individu à part entière, que le genre du conte a peu à peu acquis ses lettres de noblesse : d’anodin, il devient porteur de sens. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’intérêt se porte tout autant vers les contes de fées – comme ceux de Charles Perrault ou de Madame Leprince de Beaumont – que vers les contes populaires. Avec ces derniers, c’est la tradition orale qui prend (enfin) sa revanche sur l’écrit. C’est ce constat qu’a voulu mettre à l’honneur la Bibliothèque nationale de France par l’intermédiaire de deux événements du printemps dernier : l’exposition qui s’est tenue du 20 mars au 17 juin 2001 (site Richelieu), « Il était une fois… les contes de fées », ainsi que le colloque « Contes de fées d’hier et d’aujourd’hui », organisé les 10 et 11 mai derniers (site Tolbiac).

aOrigines et un précis sur mythologie slave

Les racines de la mythologie slave se situent à l'époque où les tribus d'origine Indo-européenne n'étaient pas séparées les unes des autres. Donc, la mythologie slave représente une branche de la mythologie élaborée par les peuplades Indo-européennes il y a quelques millénaires. Le développement de la mythologie slave durait depuis le 2-ème millénaire avant J.-C., quand les tribus slaves commencèrent à se séparer du groupe linguistique Indo-européen. Pendant ce temps elle subit de grands changements, mais certains vestiges de l'époque la plus ancienne se conservèrent tout de même jusqu'aux temps des recherches ethnographiques. C'est que le développement de la mythologie obéit toujours à la règle générale selon laquelle les croyances qui suivent n'évincent pas les précédentes, mais coexistent avec elles. Les croyances des ancêtres des Slaves évoluèrent avec le temps. Ces croyances se développèrent, en enrichissant de plus en plus le système mythologique créé par l'imagination populaire. On peut distinguer les étapes suivantes dans l'histoire de ce développement obéissant à des processus parallèles dans les mondes antique (gréco-latin), germanique et celtique:

 1. La foi dans les bons génies et les esprits malins de la nature

 2. Le culte de la Grande Mère de l'univers

 3. Le culte de Svarog

 4. Les cultes des fils de Svarog et des dieux divers

 5. Le culte de Péroun

 6. La christianisation de la Russie sous le prince Vladimir (988 après J.-C.)

Chaque étape a ses traits caractéristiques.

Au commencement les Slaves anciens crurent aux génies "oupyrs" et "béréguinias". Les premiers, du genre masculin, se considéraient comme l'incarnation du mal. Les autres, du genre féminin, se considéraient comme l'incarnation du bien. Il est intéressant de suivre les métamorphoses du mot "oupyr". Les Slaves anciens prononçaient sa première syllabe comme "ou" nasale - "oumpir". Les slaves méridionaux prononçaient "o" au lieu de "ou" et ajoutaient la consonne "v" - "vompir". Ils transmirent ce nom à leurs voisins occidentaux qui n'avaient pas connu de tels personnages. Le mot "vampire" pénétra alors dans les croyances des peuples occidentaux.

"Béréguinia" se traduit en français comme "une gardienne". Les béréguinias étaient des gardiennes célestes de l'homme et s'opposaient aux oupyrs. A l'origine elles représentaient des esprits impersonnifiés sans traits distincts. Mais les croyances de l'homme ne peuvent rester sans changement. L'image des génies naturels se développa peu à peu, et vint enfin le temps où les esprits impersonnifiés d'autrefois cédèrent leur place aux nouveaux possesseurs du monde, beaucoup plus pittoresques et beaucoup plus puissants. Ce fut l'époque de la naissance des dieux.

Il est impossible de séparer la mythologie de l'histoire du peuple, car les circonstances historiques imposent toujours leur réalité à l'esprit humain et à ces croyances. L'époque du matriarcat, la plus ancienne de notre histoire, laissa sa trace dans la conscience de toutes les peuplades européennes, y compris chez les ancêtres des Slaves. Le culte de la Grande Mère de l'univers est commun à toutes les tribus préhistoriques de l'époque. Les archéologues trouvent souvent des statuettes aux traits féminins soigneusement soulignés. De telles statuettes sont typiques pour tout l'espace européen, y compris la Rome et la Grèce les plus anciennes.

Nous ignorons le nom porté par la Mère du monde dans la région slave. L'auteur de l'article est tenté de croire que son nom était Slava, d'où la désignation des gens habitant le territoire où son culte était répandu sous le nom de "Slaves". De telles formes sont bien connues: ainsi la plus grande communauté des tribus slaves du 9-ème siècle, celle des Krivitches, reçut son nom d'après le dieu principal qu'ils vénéraient - Krive (Krivitches, patronyme du nom Krive, signifie "les fils de Krive"). L'image de cette grande déesse pénétra la mémoire populaire si profondément que 5-6 millénaires de changements historiques et, par conséquent, mythologiques ne réussirent pas à l'évincer ni à la remplacer par une autre image. Mère la Terre Humide, toujours dormante, donatrice de grandes forces à un héros, resta un personnage des contes russes jusqu'au 19-ème siècle.

Le patriarcat succéda au matriarcat, le culte du Grand Dieu succéda au culte de la Grande Déesse. Plusieurs peuples européens connurent cette étape du développement de leurs croyances. "Ouranos" - était le nom du Grand Dieu chez les Grecs. Les Romains le nommaient "Saturne". Les habitants du Champ Sauvage, vaste territoire au Nord de la Mer Noire, l' appelaient "Tengri-khan". Le Grand Dieu des Slaves portait le nom de Svarog. Son nom provient du mot "svarga" qui signifiait le ciel dans la mythologie de l'Inde. C'était un paradis céleste, où régnait Indra, dieu principal de l'hindouisme. La liaison de ces mots prouve l'ancienneté et les racines communes des systèmes mythologiques des peuples Indo-européens.

Svarog, dieu du ciel et du feu céleste, forgeron divin, maître de tous les métiers, était le personnage le plus puissant de son époque. Selon une légende, il apprit aux gens primitifs à cultiver la terre et à forger le fer. Il leur donna une charrue, ayant fait tomber du ciel son modèle en or. L'extension du culte de Svarog montre que les derniers vestiges du matriarcat avaient disparu et que l'ère du patriarcat avait déjà commencé. Le culte du Grand Dieu éclipsait la gloire des autres dieux et des très nombreux génies. Mais peu à peu leur pouvoir grandissait, leur importance augmentait. Vers le milieu du 2-ème millénaire avant notre ère les ancêtres des Slaves devinrent des sédentaires. L'agriculture commença à prédominer sur l'élevage du bétail, et les protecteurs célestes de l'agriculture occupèrent le premier rang de tous les personnages mythologiques. Le premier et le plus important d'entre eux était Dajbog, dieu du soleil et de la lumière diurne. Il était considéré comme une source de tous les biens de la nature. En même temps il était un dieu rude qui pouvait provoquer une sécheresse et vouer les gens à la famine.

Plusieurs autres dieux firent leur "carrière mythologique" avec lui. Avant tout Svarogitch, dieu du feu sacré. La conscience populaire croyait que Dajbog et Svarogitch étaient les fils de Svarog. Leur époque suivit celle de ce dernier.

Au 5-ème siècle av. J.-C. le monde des Slaves orientaux entra dans une période d'épanouissement. Les Slaves fournissaient du blé aux Grecs habitant en Crimée. La société slave se trouva à la veille de la création de son Etat. L'invasion Scytho-sarmate mit fin au siècle de Saturne, mais la conscience mythologique des tribus slaves engendra déjà des images, des sujets et des personnages qui restèrent dans la mémoire et qui ont commencé leur activité divine.

Stribog, Vélès, Khorse, Simargle, Troïan, Makoche, Giva prirent place sur l'Olympe slave. Mais le plus connu et le plus célèbre fut, sans aucun doute, Péroun. Son époque arriva avec la création de l'Etat. Comme le Zeus grec, il était d'abord un dieu du troisième rang, responsable des pluies et des orages. Mais possesseur de la foudre et du tonnerre, il devint le dieu de la guerre, qui protégeait les guerriers - le prince et sa droujine. Les princes et leurs boyards se mirent à la tête de l'Etat russe, et leur protecteur corporatif devint ainsi le seigneur des autres dieux et personnages mythologiques.

Selon les avis des savants, l'époque de Péroun ne dura longtemps. Il dominait au cours des 8-ème - 9-ème siècles, mais ce temps marqua la mémoire du peuple à travers les chroniques et les traditions populaires.

En 980 après J.-C., Vladimir Sviatoslavitch, prince de toutes les Russies, mécontent des cultes différents séparant les parties du pays qu'il venait de réunir, décida de réformer la religion païenne. Non loin de son palais il établit un panthéon devant servir d'exemple aux autres régions du pays. Celui-ci comportait les idoles de Péroun à la tête d'argent et aux moustaches d'or, Stribog, Dajbog, Khorse, Simargle et Makoche, le seul personnage féminin. Mais cette réforme ne le satisfit point. Le panthéon des idoles païennes ne pouvait pas jouer le rôle de la religion d'Etat. Alors le prince Vladimir décida d'adopter le christianisme. Cela eut lieu en 988.

Dès ce moment la religion chrétienne commença à se propager dans tout le pays, mais les croyances, les traditions et les préjugés païens allaient se conserver dans la conscience populaire jusqu'au 19-ème siècle et se conservent en quelque sorte encore de nos jours. 

SVAROG - dieu sûpreme des temps les plus anciens. Potentat du monde céleste, possesseur du feu, maître de tous les métiers. Il a appris aux gens primitifs à cultiver la terre et à forger le fer. Père de Dajbog et de Svarogitch.

PEROUN - dieu sûpreme du siècle qui précédait l'adoption du christianisme. Protecteur céleste de prince et de sa droujine (communauté de guerriers). Dieu tonnant, maître du tonnerre et de la foudre. Dieu de la guerre.

DAJBOG - dieu du soleil. Son nom provient de la prière "donne-moi, dieu!" Donateur de tous les biens naturels qui existent sur la terre. Selon les croyances anciennes, le peuple russe est considéré comme son descendant.

KHORSE - dieu dont le rôle mythologique reste énigmatique. Selon les uns, il était un dieu du soleil, selon les autres - de la lune. L'un des dieux principaux du panthéon du prince Vladimir Svyatoslavitch (Vladimir le Soleil Rouge).

STRIBOG - dieu des vents et des tempêtes. La poésie populaire appelait les vents "les petits-fils de Stribog".

VELES - dieu du bétail, donateur de richesses. Protecteur des prêtres païens qui s'appelaient "volkhves"(druides russes). Il donnait aux volkves leur inspiration religieuse et fut donc considéré comme le dieu des premiers poètes.

SVAROJITCH - dieu du feu sacré, fils de Svarog.

YARILO - dieu des forces vitales de la nature. Il était "chargé" de la germination des épis de blé. Protecteur et inspirateur de l'amour charnel.

KRIVE - dieu sûpreme des Krivitches, alliance des tribus qui occupaient le territoire de la Biélorussie et des régions de Smolensk, de Tver et de Yaroslavle contemporains. Cette alliance était la plus vaste et la plus puissante de toutes. Le nom du dieu provient du mot "Krivé" qui signifiait le chef des prêtres païens en Lituanie.

TROÏAN - un des personnages énigmatiques de la mythologie slave. Dans le "Dit de l'Ost d'Igor" la Russie est appelée la Terre de Troïan. Les premiers siècles après J.-C., l'époque avant l'invasion des Huns sont nommés "les siècles de Troïan".

SIMARGLE - le plus énigmatique des dieux anciens. Les savants supposent qu'il avait des liens avec les racines et les grains des plantes. Il entrait au panthéon du prince Vladimir.

KOUPALO - personnage ayant des liens avec l'élément de l'eau. Dieu de la fertilité de la nature. Certains savants mettent son existence en doute.

POZVIZD - dieu du beau temps et des vents faibles.

TCHOUR - dieu dont le culte était peu important. Gardien des frontières et des lisières entre les champs agricoles.

SOUD - dieu du destin humain chez les slaves méridionaux. Maître de Soudenitsas et de Sretcha avec Nesretcha.

ROD - dieu de la fertilité, de la lumière et de la création, il était accompagné de divinités féminines : les Rojanitsy (mère et fille); déesses de la fertilité : le jour de leur fête marquait la fin de la moisson, dieu a 3 tetesSventovit - divinité des Slaves occidentaux. Dieu de la guerre dont le sanctuaire principal se trouvait dans l'île de Rugen. A l'aide d'un cheval blanc sacré, il présidait l'issue des guerres. Lié au culte des ancêtres, il avait quatre têtes, symbole de sa puissance, et tenait une corne remplie de vin, dont le niveau lui permettait de prévoir les moissons. Dans les régions slaves orientales, il était représenté par le culte de Rod.

TRIGLAV - dieu des Slaves occidentaux. Il eut 3 têtes qui symbolisaient son pouvoir sur les trois mondes de l'univers: le monde terrestre, le monde céleste et le monde infernal. Son idole se trouvait à Szczetin (Pologne). Triglav avait une bande d'or qui couvrait ses yeux pour qu'il soit juste pendant les prédictions de l'avenir. Le masque en bois du dieu à 3 têtes. Jamaïque. Selon les chamans de Jamaïque, ce dieu donne de la sagesse. Photo de Willy Scholliers.

MAKOCHE - la seule déesse au panthéon du prince Vladimir. Déesse de la récolte, des tirages au sort et des travaux féminins.

GIVA - déesse de la vie dont le culte était répandu chez les slaves occidentaux. Elle s'opposait à la mort et soutenait les forces vitales de l'homme.

MORENA - déesse de l'hiver et de la mort.

DENNITSA - déesse de la première étoile qui apparaît dans le ciel.

KARNA - déesse du rite funéraire païen. Personnification du pleur du défunt.

GELIA - déesse du rite funéraire païen. Personnification du feu du "krada" (brasier funéraire) qui brûlait le défunt dont l'âme montait vers le ciel avec sa fumée.

LADA - déesse principale du panthéon païen, la plus populaire de toutes. Déesse de l'amour et du mariage, gardienne du foyer domestique. Certains savants mettent son existence en doute.

LELIA - déesse du printemps et de la révélation de la nature. Toujours jeune et fraîche. On la prend pour une fille de Lada.

SRETCHA et NESRETCHA - deux déesses des slaves méridionaux. Elles filent deux fils du destin. Le fil de Sretcha représente tous les événements heureux de la vie de l'homme, le fil de Nesretcha prédit les malheurs et les malchances. Quand Nesretcha rompt son fil, l'homme meurt.

SOUDENITSAS - trois jeunes filles, sœurs dans les croyances populaires des Slaves méridionaux et occidentaux. Elles déterminent le destin de l'homme après sa naissance. La sœur aînée prédit la mort; l'autre, les défauts physiques, la sœur cadette prédit tous les événements heureux de la vie et sa parole reste irrévocable.

C’est le génie de la maison en bois paysanne, maître de cette maison. Il peut être bienveillant ou hostile aux habitants de la maison. Les relations des hommes avec le DOMOVOÏ nécessitaient plusieurs rites, qui permettaient d'assurer sa bienveillance. Actif la nuit, il doit être traité avec respect par la famille, qui évite de dormir sur son lieu de passage, et laisse dehors pour lui, chaque soir, des réserves de sa nourriture préférée. Si la famille n'accomplit pas ces rites, le DOMOVOÏ aura tendance a mal se comporter, brisant la vaisselle ou harcelant les animaux. Le plus souvent invisible, on le représente aussi comme un vieil homme à barbe grise. La prospérité du foyer dépendait de son bonheur et lorsque les choses allaient mal il fallait faire encore plus d'efforts pour lui plaire.

LECHI est l’esprit de la forêt, hostile à l'homme. Il peut captiver un voyageur et le garder dans son ménage comme esclave. Parfois il peut égarer un voyageur, en le trompant et en embrouillant des sentiers devant lui.

VODIANOÏ est l’esprit malin de l'eau. Il habite dans les lacs, les rivières et les marais. Il a l'air d'un vieillard à la barbe blanche. Il fait tout son possible pour nuire aux hommes, il peut noyer un nageur ou un pêcheur.

OUPYR est l’esprit malin qui personnifiait autrefois toutes les forces de la nature, hostiles à l'homme. Plus tard c'est un vampire qui sort des tombes, se jette sur les gens et boit leur sang.

DVOROVOÏ a son activité qui se limite à la cour de la ferme. Pour le reste il ressemblait beaucoup au DOMOVOÏ et se comportait comme lui.

OVINNIK  est l’esprit de l'aire de battage, très hostile aux hommes.

BANNIK est l’esprit des bains, lieu de divination et de magie. Il est hostile aux hommes. Pendant les fêtes de Noël il aide les jeunes filles à interroger l'avenir, à deviner à l'avance leurs promis. 

VOLKODLAK est le loup-garou, un homme qui sait se métamorphoser en loup. Les anciens croyait qu'il était capable d'avaler la lune, d'où provenaient les éclipses. Ce personnage était lié à la magie de mariage et existait dans les croyances de tous les peuples Indo-européens. Certains héros épiques savaient se métamorphoser en loup. Tel était VSESLAV DE POLOTSK, prince historique (XIe siècle), que ses contemporains prenaient pour un sorcier. Le "Dit de l'Ost d'Igor" raconte que le prince VSESLAV, s'étant métamorphosé en une "bête féroce", réussit à s'échapper de la ville de Belgorod où il fut assiégé par le prince IZIASLAV, son adversaire dynastique. Ayant revêtu les traits de loup il rôdait entre Kiev et TMOUTARAKAN, réussissant couvrir cette grande distance en une seule nuit.

BEREGUINIA est la génie de la nature des temps les plus anciens. Gardienne de l'homme, liée aux rives des fleuves et des rivières (son nom coïncide avec les mots "bérég - bérétch", qui signifient "rive" et en même temps "garder" dans la langue russe). Plus tard son image s'est mêlée avec celle des roussalkas.

ROUSSALKA - jeune fille, habitante des eaux, des champs et des forêts. Génie des forces végétales de la nature, qui arrose les champs par les pluies fines. Autrefois, au Sud de la Russie on l'imaginait comme une belle fille qui évitait la présence des hommes; aux 16-19 siècles et au Nord de la Russie, comme une vieille femme laide qui nuit aux hommes, surtout aux enfants. Dans les croyances les plus avancées, parfois dans la littérature c'est une noyée qui habite dans les lacs et les rivières.

KIKIMORA - esprit malin, qui habite dans les endroits les plus sombres de la maison en bois paysanne. Hostile aux maîtres de la maison, elle cherche à porter préjudice au ménage. On l'imaginait comme une vieille femme, laide et effrayante.

VILA - femme éternellement jeune et belle, aux longs cheveux blonds. Associée aux âmes des disparus, elle entretient des relations étroites et amicales avec les humains. Variante méridionale de Roussalka.

Ville sacrée dans la région de Nijni Novgorod (Russie). La légende de cette ville était très populaire au cours de toute l'histoire russe. L'action de la légende se passe au XIIIe siècle, au temps de l'invasion tatare. La horde tatare, menée par Batû-Khan, voulut dévaster Kitej-grad. Mais la ville fut sauvée par le Dieu et se plongea au fond du lac Svetloïar. Dès lors elle est invisible, mais de temps en temps on peut entendre la sonnerie de ses cloches. C’est un lieu sacré où habitent les hommes justes et les saints, prototype du paradis terrestre.

Oural sur le cheval AkbouzatOural-Batyr (Oural le Preux) est la chanson la plus ancienne et la plus archaïque de toutes les autres légendes bachkires. Son action se passe à l'époque préhistorique où tous les miracles furent possibles. Le héros principal de la chanson, Oural-Batyr, se rend à la recherche de la Mort pour débarasser le monde de sa puissance. Il cherche une source de l'eau vivifiante qui peut donner la vie éternelle aux hommes et à la nature. Au cours de son long voyage il lutte contre l'injustice et le mal partout où il les rencontre. Il arrive dans le royaume du roi méchant Katil qui terrorise ses sujets. Après de grandes épreuves il sauve le peuple de ce roi-malfaiteur. Puis il vainc les dragons monstrueux dont le roi L'ile des parents d'OuralKakhkakha, un dragon à 12 têtes, veut envahir le royaume céleste de Samraü, roi des oiseaux. Enfin il engage la guerre contre les divs, esprits malins d'une grande puissance. Après avoir vaincu toutes les forces du mal, il mets le monde en ordre. Il sauve la terre des conséquences du déluge organisé par les divs. Des corps des divs tués il fait des montagnes dont la chaîne reçoit son nom - Oural. Ses fils percent les rochers et donnent le début des quatre grands fleuves de la Bachkirie. Enfin Oural trouve la source de l'eau vivifiante, mais au lieu de boire l'eau lui-même il arrose la nature, de quoi elle devient éternellement jeune.Houmai, oiseau du bonheur. La chanson épique Oural-Batyr contient un système mythologique hautement développé. L'univers y est partagé en trois parties: le monde terrestre, où habitent les gens, le monde céleste (le pays du bonheur où régne le roi Samraü) et le monde des êtres monstrueux (les dragons et les divs). Plusieurs objets sacrés se trouvent dans cet univers: l'épée de damas, qui aide Victoire d'Oural sur son frere Choulguen qui mene les forces du malOural à vaincre ses ennemis, le cheval magique Akbouzat qui fait peur aux monstres, le bâton magique de Kakhkakha, qui fait son possesseur invisible et peut provoquer un déluge. Plusieurs êtres de la chanson savent se métamorphoser en hommes. Ce sont tous les dragons ainsi que les oiseaux-princesses Houmaï et Aïkhylou qui se présentent devant le héros comme de belles jeunes filles. Houmaï est une fille du Soleil (personnage féminin) et Aïkhylou est une fille de la Lune. Leur père Samraü, le roi du pays céleste, est un mari du Soleil et de la Lune. Tout cela prouve que la chanson est une œuvre mythologique. Ces derniers temps l'intérêt pour cette œuvre augmente, on la considère comme une chanson d'une grande ancienneté.

En 1092 à Polotsk, une des plus grandes villes de la Russie ancienne, les gens souffrirent d'un phénomène inouï. La ville fut envahie par les navs qui rôdaient tard dans la nuit dans les rues et gémissaient à haute voix. Si quelqu'un sortait de chez lui, il fut immédiatement frappé par un de ces esprits des morts. Les habitants de la ville n'osaient pas quitter leurs maisons. Puis les navs commencèrent à apparaître dans la journée. Ils étaient invisibles sur leurs chevaux dont on ne pouvait voir que des sabots. On disait que c'étaient les âmes des morts qui tuaient les habitants de la ville. Les savants estiment que cette légende, cité par la "Chronique des Temps Passés", décrit une épidémie qui éclata à Polotsk et quelques autres villes de la Bielorussie moderne.

Prototype légendaire d'Aliocha Popovitch, héros épique. La légende prétend qu'Alexandre Popovitch fut un voïvode et un boyard du prince historique Vsevolod le Grand Nid (prince de la ville de Vladimir en 1176-1212), puis de son fils aîné Konstantine, célebre prince de Rostov-le-Grand. Après la mort de Vsevolod ses fils se querellèrent à cause du grand-duché de Vladimir (fait historique). Alexandre Popovitch combattit pour le prince Konstantine contre son frère Yuri et remporta beaucoup de victoires. Il tua quelques favoris du prince Yuri, ce qui provoqua la haine de ce dernier. Quand Konstantine mourut et Yuri devint le grand duc, Alexandre eut peur de sa vangeance. Il réunit dans son château les plus nobles et les plus célebres boyards et héros de toute la région et leur dit: "L'époque du grand Vsevolod a passé, le temps de querelles est venu. Si nous restons ici nous allons nous tuer, car nos princes, ayant partagé la principauté entre eux, se combattent sans cesse." Alors les héros décidèrent d'aller tous ensemble à Kiev, "la mère de toutes les ville russes", pour servir au grand-duc de toutes les Russies. Le grand-duc Mstislav fut très content, car à l'époque tous les héros étaient bienvenus aux cours des princes. Mais bientôt un grand malheur arriva. Les Tatars apparurent pour la première fois non loin des frontières russes. Les princes avec leures armées allèrent à leur rencontre et furent vaincus dans la bataille aux bords de la rivière Kalka. Plusieurs princes et guerriers russes périrent dans cette bataille, y compris Alexandre Popovitch avec les 70 héros qui étaient partis avec lui. Certains savants estiment qu'Alexandre Popovitch est un personnage réel, car le récit cité est raconté par une chronique. Mais la plupart croient que l'auteur de la chronique raconta une légende d'origine folklorique, ce qui fait Alexandre Popovitch un prototype légendaire d'Aliocha Popovitch des chansons épiques populaires.

bLe Grimm russe : Alexandre NICOLAIEVITCH AFANASSIEV

Le Russe Alexandre NICOLAIEVITCH AFANASSIEV, grand admirateur frères Grimm, collectionna les contes en Russie. Contrairement aux frères Grimm AFANASSIEV n’était pas à la recherche de la seule identité nationale. Il s’intéressait également aux contes issus de cultures différentes et du lien qui les reliait les uns aux autres. Les contes nous revisitent périodiquement ; comment pourrait-il en être autrement, ils sont vieux comme le monde, comme la tradition orale qui les transportait de bouche en bouche en les déformant un peu selon les capacités du conteur à s’exprimer, celles de l’auditeur à les comprendre puis à les restituer. Des milliers d’émotions, d’expériences, d’idées et de mythes se sont ainsi tissés pour donner naissance à un conte. Mais son cheminement ne s’arrêtait pas là car il continuait d’être conté de l’un à l’autre : l’homme était à la fois son support et son message. Ce processus évolutif n’a cessé que lorsque le support a changé, que les histoires ont été fixées sur papier. Ce sont alors devenus des instantanés reproduisant tout ce que les hommes s’étaient dit au cours des millénaires, parfois sous forme cryptée. Des instantanés qui en disent long aussi sur ceux qui les ont écrits et en ont fait de la littérature. Ce n’était certes pas non plus un hasard si les romantiques se sont au début du 19e siècle tournés avec tant d’intérêt vers l’univers des contes : ils étaient en quête d’identité (dirait-on aujourd’hui), d’origines, de sources. Comme les frères Grimm qui cherchaient des conteurs, et même si possible des dialectophones pour leur restituer les contes dans leur forme la plus originelle possible. Ils les transcrivaient et tentaient naturellement de les déchiffrer, de décrypter des codes séculaires, d’en expliquer les métaphores. Et comme ils étaient des explorateurs de l’identité (les frères Grimm étant le support et leur version le message), les textes des contes témoignaient des origines des peuples, voire d’un seul peuple peut-être, du peuple allemand, d’une nation en devenir. C’est ce qui a fait au 19e siècle la célébrité des contes de Grimm. Le Russe Alexandre NICOLAIEVITCH AFANASSIEV (1826 - 1871) était un grand admirateur des frères Grimm et des romantiques allemands. Ecrivain érudit et éclectique, il était modeste employé des Archives moscovites du ministère des affaires étrangères jusqu’à ce que ses démêlés avec la censure lui fissent perdre son emploi ; en butte à la misère, il mourut phtisique en 1871, poussé par le pouvoir aux marges de la société mais tenu en haute estime par ses confrères russes et étrangers. Le plus grand mérite d’Alexandre AFANASSIEV est d’avoir publié entre 1855 et 1863 les « Contes populaires russes » qui eurent en Russie, surtout comme livres pour enfants, un succès aussi retentissant qu’en Allemagne les Contes de Grimm. La démarche AFANASSIEV était toutefois fort différente même si, comme les frères Grimm, il cherchait à déceler dans les contes ce que les mythes y avaient laissé, ce que la littérature et la culture y avaient apporté. Il eut la chance de pouvoir recourir aux transcriptions archivées depuis 1840 par la Société russe de géographie. Il rassemblera, plus qu’il ne rédigera, 450 contes. Il s’appliquera surtout à les purger des éléments de la langue écrite parce que son propos était d’en restituer l’oralité originelle sous la forme la plus authentique possible. A l’instar des frères Grimm, il voulait retourner aux sources. Seulement sa quête des sources ne devait pas se limiter aux frontières d’une identité nationale. Il ne cherchait pas à savoir ce qui distinguait, séparait les contes populaires mais ce qui leur est commun, ce qui les reliait les uns aux autres. Il était persuadé qu’il y avait de nombreuses similitudes entre les contes des peuples « indo germains » ; que les contes issus de cultures différentes avaient en commun les mêmes mythes ancestraux et que ces mythes restaient vivants parce qu’ils étaient le propre de l’homme, indépendamment des facteurs religieux, culturels et littéraires qui avaient accompagné l’évolution des peuples. Pour en revenir à notre propos initial : si les « contes » ont aujourd’hui la cote, c’est peut-être parce que nous aussi sommes en quête de mythes, de fondements communs ; de quelque chose comme une identité commune qui abolirait les frontières. C’est la raison pour laquelle il était essentiel de rappeler Alexandre AFANASSIEV à notre mémoire. Ses contes populaires russes n’ont rien perdu de leur intérêt et ils sont écrits dans la langue de l’oralité. Pour ma part, je pense qu’il faut les lire à haute voix. Les longues soirées d’hiver ne s’y prêtent-elles pas à merveille ?

cCaractéristiques

Comme Nicole BELMONT, dont un des principaux thèmes de recherches est le statut complexe du conte entre tradition orale et écrit, Alexandre STROEV conclut par le constat suivant : les métamorphoses du conte merveilleux font d’un texte transmis de bouche à oreille une œuvre littéraire qui finit par revenir dans le domaine de l’oralité. Après un détour par l’écrit, on revient donc au conte populaire, qui véhicule les valeurs de la communauté dont il est issu et qui rassemble autour de lui hommes et femmes, jeunes et vieux, lettrés et incultes. Vu sous cet angle, le retour à l’oralité n’étonne plus et apparaît comme un gain de reconnaissance.

Comparée à la France, la publication de contes russes a été tardive – la première édition critique, celle d’A. N. AFANASSIEV, paraît en 1856 – et précédée de la traduction de contes de fées français. Dans ses deux écrits majeurs, La morphologie du conte et Les racines historiques du conte merveilleux, Vladimir Propp décompose le conte en trois cycles d’épreuves : la situation initiale est perturbée par le Mal (Propp parle de méfait) ; plus tard, le héros doit se soumettre à des épreuves qualifiantes – il s’agit le plus souvent de formules de politesse ; enfin il doit affronter les épreuves principales : tuer le dragon, résoudre des énigmes, venir à bout de tâches difficiles avant de triompher du faux héros. Alexandre STROEV souligne à juste titre la parenté qu’ont vue des chercheurs comme MELETINSKI et BAÏBOURINE entre cette structure du conte et les rites de passage : les rites de mariage et les rites funéraires, en particulier le voyage dans l’autre monde accompli par l’âme du défunt.

Confrontation au Mal

Dès son ouverture, le conte est confronté au Mal : celui-ci est obligatoire dans le déroulement de l’action comme dans l’organisation d’ensemble de l’univers du conte. Cette dualité du monde trouve son origine dans les légendes cosmogoniques slaves, d’après lesquelles le monde est création conjointe de Dieu et du diable. Dans cette organisation binaire du monde, le passage a une valeur particulière, notamment le franchissement du seuil de la maison, qui symbolise la frontière entre notre monde et l’au-delà. La tradition archaïque consistant à valoriser la frontière a été extrêmement forte, au point d’être reprise jusque dans les textes littéraires et les récits de voyages. Le déplacement horizontal conduit le héros dans un monde vertical qui est soit le Paradis soit l’Enfer ; à cette dualité du monde mythique répond une dualité des personnages qui appartiennent à la fois à notre monde et à l’au-delà. La réussite du héros dépend exclusivement de sa relation à ces êtres, qu’il doit gagner à sa cause.

dMotifs dans le conte russe

Évoquant les deux grands types de héros russes, le fils de tsar et le fils de paysan, Alexandre STROEV montre que le conte russe, comparé à d’autres variantes du même texte, met en valeur de façon très marquée la marginalité du héros, se plaçant dans la logique de l’Évangile… qui a aussi été celle de « l’Internationale » : « Les premiers seront les derniers. » Le conte russe favorise donc non seulement le pauvre, mais aussi le paresseux.

IVAN DURAK (Ivan le sot), celui qui ignore les normes de comportement social et qui refuse de bouger de son poêle – un lieu protégé par les ancêtres et les esprits de la maison. Mais contrairement aux contes français où Jeannot le sot est l’anti-héros, Ivan est bien, lui, le héros de contes russes. Le vrai héros est celui qui adapte les normes du comportement banal aux situations extraordinaires, par exemple en traitant avec politesse les représentants de l’autre monde, alors que la norme voudrait que l’on élimine au plus vite ces ennemis potentiels.

Sorcière qui vit dans la forêt, personnage des contes des Slaves de l'Est et de l'Ouest. Elle vit dans une maison perchée sur des pattes de poulet, maison qui peut donc tourner. Une des jambes de BABA-YAGA est entièrement en os, elle se déplace en volant dans un mortier magique tout en s'aidant de son balai comme d'une pagaie. C'est une ogresse qui dévore les gens en les mettant dans son four à l'aide d'une pelle, la clôture autour de sa maison est faite d'ossements humains, et les crânes lui servent d'éclairage. Son portail est fermé avec des mains, et une bouche pleine de dents acérées sert de cadenas. Elle a une mauvaise vue; parfois d'énormes seins qu'elle jette sur les épaules de sorte qu'ils pendent dans son dos. Les animaux de la forêt obéissent à BABA-YAGA. Il faut quand même lui rendre justice: elle ne dévore pas les gens tout de suite! Si quelqu'un vient dans sa maison, elle lui offre un repas et un bain et demande ce qui l'amène. Parfois, elle aide les autres personnages en donnant des renseignements utiles ou un objet magique.

Les antagonistes que le héros rencontre sont aussi ambivalents que lui ; ainsi BABA YAGA, la gardienne de la frontière avec l’autre monde, qui apparaît au premier abord comme une mangeuse d’hommes, mais que le héros sait spontanément amadouer… Celle-ci lui prodigue alors des conseils pour passer le rite initiatique. Il en va de même lorsque le héros est féminin : la jeune fille doit alors s’acquitter de tâches domestiques difficiles, qui ne sont autres que celles imposées par la belle-mère après le mariage.

De la sage-femme à la sorcière il n’y a qu’un pas aisément franchi dans les contes allemands : ainsi la sorcière qui invite HÄNSEL ET GRETEL leur apparaît-elle au premier abord comme une charmante grand-mère qui leur offre "du lait et de l’omelette au sucre, des pommes et des noix" dans sa maison de pain d’épices. Mais ce n’est qu’une ruse pour attirer les enfants et les manger. Car la sorcière est aussi un peu ogresse. Ce qui est aussi le cas de BABA YAGA, la grand-mère sorcière des contes russes populaires, qui vit dans la forêt et "croque les gens comme des poulets" :

"Sa maison d’ossements était faite, des crânes avec des yeux ornaient le faîte, pour montants de portails des tibias humains, pour loquets ferrures des bras avec des mains et en guise de cadenas verrouillant la porte, une bouche avec des dents prêtes à mordre. […]BABA YAGA monta dans son équipage et fila bon train. Dans son mortier elle voyage, du pilon l’encourage, du balai efface sa trace." (VASSILISSA la très belle). Avec son mortier et son pilon lui servant à broyer les destinées humaines tout en effaçant les traces de son passage parmi les hommes, BABA YAGA est donc bien une fileuse de destinées, une initiatrice qui offre à VASSILISSA le moyen de se défaire de sa marâtre : un crâne aux yeux ardents qui consument la méchanceté.

KACHTCHEÏ Immortel - un des plus sinistres personnages de la mythologie russe. Son nom provient du mot turc qui signifiait "captif". C'est un sorcier méchant dont la mort est cachée dans un oeuf. Il emporte la fiancée du héros au bout du monde. Le héros ne peut vaincre KACHTCHEÏ qu'après avoir trouvé sa mort, sauf si l'on trouve le secret magique de sa vie, bien caché dans un oeuf qui lui-même est dans un animal ou un objet, qui etc., comme les poupées gigognes.

Stravinsky pour cette oeuvre, n'aura pas pu tisonner à son aise toutes les fables couvertes de vol d'hirondelles de son enfance. Non à 27 ans il fut mis au pied du mur de l'histoire de la musique par le grand prestidigitateur tyrannique qu'était Serge Diaghilev « Faites-moi de l'imprévisible » avait tonné l'ogre obèse des Ballets Russes, et il avait imposé le thème : la légende russe de l'Oiseau de Feu. Il ne s'agissait donc pas de donner « à l'oiseau plus d'ailes qu'il en peut » mais d'assouvir l'énorme appétit de nouveauté de Diaghilev et ce en quelques mois, et surtout de faire un ballet pour Fokine. Il l'écrit dans la fièvre et l'urgence, après d'ailleurs une retraite dans la demeure de son maître Rimski-Korsakov qui venait de disparaître quelque temps plus tôt. Dès l'hiver 1909 l'oeuvre avance, et au fur et à mesure des morceaux, elle est travaillée par les Ballets Russes. Cet aller-retour entre la composition musicale et les nécessités de la scène vont très vite faire mûrir chez Stravinsky des dons remarquables d'homme de théâtre. Il s'agit donc d'un véritable travail de troupe, où les contraintes des danseurs, des décorateurs, du théâtre modèlent l'oeuvre. Bien sûr Stravinsky arrivait avec dans ses bagages musicaux tout le métier de son maître Rimski-Korsakov, et aussi de cette musique de fin du siècle qu'il avait entendue. Pour le moment il n'innovait point, il travaillait dans l'ardeur et la contrainte pour une oeuvre collective. Aussi, il s'appuyait du haut de sa jeunesse, sur son métier pour rejoindre aux exigences et à la confiance placée en lui par ce délirant tyran des planches qu'était Diaghilev. Mais à ce que l'on perd en audaces musicales, on le gagne par cette fraîcheur, cette musique qui coule, qui ruisselle sans se poser de questions. Et bien des années après, cette musique reste jeune. Face au péremptoire « Etonnez-moi! » de Diaghilev, Stravinsky avait su vaincre sa peur, quitte à abandonner les oeuvres en cours (dont le Rossignol), et il avait su rendre à temps une musique presque trop parfaite pour un ballet. Le 25 juin 1910, sous la direction de Gabriel Pierné, la création eut lieu à Paris, avec un succès immense. Désormais Stravinsky est célèbre, mais toujours insatisfait. Il avait fait de la très belle musique fonctionnelle, très illustrative, suivant le pas des danseurs et même leurs particularités. Pourtant il trouvait que la chorégraphie trop désordonnée, ne rendait pas justice à sa musique dont il était fier. II entreprit alors d'en écrire des suites pour orchestre pour démontrer l'universalité de son oeuvre. Dès 1911, il écrit une suite pour grand orchestre qui reprend une partie des 19 morceaux composant l'oeuvre originale, et en 1919 il écrit une suite pour orchestre réduit et qui introduit le Final, qu'il reprendra en 1945 pour sauver ses droits d'auteur aux Etats-Unis.

La suite de 1919 comprend six parties :

1- Introduction- L'oiseau de feu et sa danse

2- Variation de l'oiseau de feu

3- Ronde des princesses avec les pommes d'or

4- Danse infernale de KACHTCHEI et de ses sujets

5- Berceuse de l'oiseau de feu

6- Final avec la disparition du palais et des sortilèges de KACHTCHEI, l'animation des chevaliers pétrifiés et l'allégresse générale.

Le thème du conte russe confronte l'univers maléfique du magicien KACHTCHEI, l'univers bénéfique de l'oiseau de feu avec l'intervention du héros Ivan Tsarévitch, prince qui a su s'attirer la reconnaissance de l'oiseau et qui vaincra les forces du mal grâce à l'oiseau de feu. Voici la thématique du conte dans ses grandes lignes et mêlant plusieurs contes russes associant Prince libérateur, Princesse captive, Sorcier maléfique, et l'Oiseau de feu. En voici le détail:

Le « Prince héros » Ivan Tsarévitch s'égare une nuit dans les jardins enchantés de l'immortel Kachtchei, et il aperçoit l'Oiseau de Feu aux ailes écarlates, volant autour d'un arbre lourd de pommes d'or. Le Prince court après l'oiseau et l'attrape et ne lui rend sa liberté qu'en échange d'une de ses plumes bien sûr dotée de pouvoirs magiques.

Au lever du jour apparaissent treize princesses enchantées qui dansent et l'entraînent en jouant autour des pommes d'or. Les princesses l'envoûtent et l'encerclent, et il tombe amoureux de l'une d'elles. Et il les suit dans le domaine interdit du château de KACHTCHEI. Le carillon magique retentit, les monstres gardiens apparaissent et Ivan Tsarévitch est capturé. KACHTCHEI l'immortel apparaît et dialogue avec Ivan, et malgré l'intercession des princesses, s'apprête à le changer en pierre comme tous les autres chevaliers avant lui, et dont les statues meublent le château.

Le Prince, se souvenant de la plume enchantée, appelle grâce à elle l'Oiseau de Feu à son secours, et celui-ci apparaît. Il enchante tous les monstres et KACHTCHEI lui-même par sa danse et révèle le secret de l'immortalité du méchant un oeuf caché. KACHTCHEI exécute alors une danse infernale avec ses sujets pour anéantir Ivan, mais grâce à une merveilleuse berceuse, l'Oiseau de Feu endort tous les monstres. Le Prince détruit l'“uf maudit entraînant à la fois la mort de KACHTCHEI, et l'arrivée des ténèbres.

Dans la deuxième et dernière scène le soleil chasse les ténèbres, le palais de KACHTCHEI s'écroule et avec lui ses enchantements : les chevaliers statues redeviennent chevaliers, les princesses sont libres et Ivan célèbre ses fiançailles avec la belle « ZAREVNA ».

Ni le conte, ni la musique de Stravinsky ne sont novateurs et pourtant le charme prend : la beauté de la pâte sonore, les miroitements orchestraux, la beauté des timbres. L'Oiseau de Feu est un peu la « Schéhérazade » de Stravinsky. Tout y est luxe, calme, et volupté sonore. Le monde du mal est forcément chromatique, et le monde de lumière forcément diatonique. L'orientalisme, les éléments populaires (danse des princesses et finale) sont là pour la continuité avec la Russie éternelle.

Les quelques personnages du ballet sont caractérisés par une symbolique sonore:

- KACHTCHEI est représenté par les timbres graves, souvent associés au basson et à des clameurs de cuivre. / - Les princesses par des cercles de motifs. / - L'oiseau par des jeux de trémolos, des harpes et des bois clairs. / - Ivan, fils de la terre, est principalement lié au cor.

L'introduction utilise dans un tempo lent et mystérieux les soubassements de cordes, les grondements qui posent l'action : « il était une fois», et alors peut apparaître dans un scintillement des figures ornées, l'Oiseau de Feu. L'orchestre essaie de rendre par des traits lapides le volettement et la séduction bariolée de l'oiseau. L'épisode des princesses fait appel à tout l'imaginaire oriental déduit des opéras de RIMSKI : envoûtement des bois, violons capiteux, les mille et une nuits sont proches. Le contraste est saisissant avec la violence de la danse suivante. Danse infernale : de forme saccadée, flamboyante c'est déjà la transe païenne du Sacre, ce sera une année plus tard. Tout l'orchestre est utilisé en saturation avec un imposant relief, et le thème de KACHTCHEI articule cet épisode. La berceuse très douce est principalement chantée par le basson qui change de camp en abandonnant celui du mauvais enchanteur pour rejoindre le Prince.

Musique en suspension elle se joue entre la harpe, le hautbois et l'alto qui se repassent les motifs.

Le final est bien sûr, la fermeture du livre d'images qui un peu apparenté à la « porte de Kiev »; s'élève par pans successifs à partir d'un thème populaire très simple jusqu'à une péroraison de l'orchestre.

Stravinsky a fait une oeuvre de couleurs, et à vingt-huit ans, il fait preuve d'une beauté mélodique et de génial créateur d'épices sonores, de plaisir des sens. Il sait caresser un orchestre. Stravinsky aura pu suivre cette voie, et être une suite de RIMSKI, peut-être même un Ravel russe. Le séisme du Sacre, le tourbillon de Petrouchka en décidera autrement les années suivantes.

D'ailleurs si on écoute attentivement la Danse Infernale de KACHTCHEI, on entre aperçoit les violences futures à venir. Cette oeuvre est plus un festin de timbres, de couleurs qu'une fête des rythmes, elle est directement envoûtante et presque quatre-vingt-dix ans plus tard, l'Oiseau de Feu déploie toujours ses plumes écarlates. Bien sûr ce n'est qu'un conte plus russe que russe, qu'un moment de volupté exotique. Cet « oiseau libre aux ailes légères et bienveillantes » était l'archétype attendu par les « non russes » pour s'extasier sur cet art si russe et construit pour les séduire.

Les ombres de SADKO, de KACHTCHEI l'immortel, de MLADA et du Coq d'or sont présentes, mais aimer Rimski-Korsakov n'est pas un péché, bien au contraire ! Nous savons aussi que Diaghilev était un grand manipulateur, mais qu'importe ! Ce mélange d'humain et de fantastique, de chansons populaires russes et d'exquises trouvailles, reste toujours un petit enchantement. L'Oiseau de Feu « demeure un moment de grâce et de lumière. S'adressant à de grands enfants, il passe et repasse toujours dans nos têtes et nous sert d'arrière-pays de rêve dans les jours gris.

"Yeux purs dans les bois cherchant en pleurant la tête habitable ».

Musique de songes il n'en finit pas de rêver. Petit miracle d'un jeune homme, il est de ceux qui durent longtemps, le temps éternel du conte.

Il enlève des jeunes filles.

« L'oiseau feu » - personnage préféré des contes de fée russes. L'oiseau dont la plume brille comme un rayon du soleil. Le héros du conte doit surmonter plusieurs difficultés avant d'acquérir le bonheur, apporté par cet oiseau magique.

SIVKA-BOURKA - un beau cheval magique qui aide son maître (d'habitude Ivan le Fou) à obtenir du succès. Il sait métamorphoser son maître en un "brave gaillard". Il parle de la voix humaine, donne des conseils sages, défend son maître des menaces différentes.

TCHOUDO-IOUDO - monstre terrifiant, adversaire du héros de conte. La bataille du héros avec TCHOUDO-IOUDO se passe sur "KALINOV MOST" - le pont d'obier. Le monstre essaie d'écraser le héros, mais ce dernier remporte la victoire. L'académicien B.A. RYBAKOV croit que ce sujet reflète les batailles des hommes préhistoriques avec les mammouths.

ZMEÏ GORYNYTCH - serpent monstrueux à 3, 6, 9, parfois 12 têtes. Il habite une caverne dans les "Montagnes de Sarrasins" où il cache des captifs russes, une princesse enlevée et des trésors pillés. Adversaire de plusieurs héros épiques, notamment de DOBRYNIA NIKITITCH, un des plus célèbres preux des chansons populaires. C'est un prototype des nomades de la Grande Steppe qui faisaient irruptions dans la Russie ancienne.

Alors que les statues s’animent chez Pouchkine, chez Gogol, ce sont des parties du corps qui mènent leur propre vie, dont le récit Le nez offre le meilleur exemple. Le petit coq d’or, dont le motif remonte à des légendes de l’Égypte ancienne, permet donc de relier le conte populaire merveilleux, le conte littéraire – ou conte de fées – et, par le biais du fantastique, la littérature russe moderne.

Autre caractéristique - l'absence de fées et de baguettes magiques : on y trouve plutôt des objets ou des animaux dotés de pouvoirs magiques (poissons, loups, et souvent chevaux). Il faut y voir ce que les contes révèlent du pays dont ils sont issus et sur leurs origines lointaines, transmis oralement puis notés par écrit seulement depuis le dix-huitième siècle : une Russie formée de vastes plaines et d'immenses forêts, dans laquelle une population au mode de vie rural croit à la magie et à la sorcellerie, et qui considère à juste titre le cheval comme un bien précieux -comme dans les westerns ! On y appelle toujours les moyens de transport - chevaux, calèches, animaux magiques - en sifflant : même la méchante BABA YAGA siffle son mortier magique ! Certains contes sont issus de peuples peu à peu russifiés (et pour certains redevenus indépendants) ; on pourra y trouver des caravanes de chameaux et des bazars orientaux, et une ambiance Mille et une nuits.

La meilleure formule finale est peut-être celle, en vers, qui nous vient de Russie : « J'y étais. J'ai bu l'hydromel et le vin, dans la bouche rien, dans la barbe plein ». Le lecteur est ainsi replongé dans le présent, et souvent, le narrateur suggère en même temps qu'il boirait bien un petit verre de vodka.

Dans un conte russe, quand un enfant est abandonné, ce n'est pas parce qu'on a faim, mais parce qu'on a froid.

eTypologie

Alexandre SERGUEÏEVITCH POUCHKINE (1799-1837) fut en Russie le premier à récolter les contes auprès des paysans et des bonnes, au premier rang desquelles figure sa nourrice ARINA RODIONOVNA. Puisant dans ce vaste réservoir de motifs, il écrivit plusieurs contes en vers, notamment Le roi SALTAN, Le conte du pope et de son travailleur BALDA ou Le pêcheur et le petit poisson. Ce dernier conte, pour lequel Pouchkine s’est inspiré du conte des frères GRIMM VOM FISCHER UN SYNER FRU, est devenu par la suite un conte populaire, s’éloignant de son origine écrite. Un autre conte très connu, Le petit coq d’or, fait partie, quant à lui, d’un cycle d’œuvres ayant pour figure centrale une statue qui s’anime afin de dénoncer un parjure ; tel est le cas dans Le cavalier de bronze, Le convive de pierre et La dame de pique.

Les Noces Funèbres est une histoire basée sur des événements réels qui ont eu lieu en Russie du 19ème siècle, durant une période où l'anti-sémitisme était largement répandu en Europe de l'est. Très souvent, des bandes d'anti-sémites interrompaient des fêtes de mariage juives sur le chemin du mariage. Et parce que la mariée était celle qui allait porter les générations futures, elle était arrachée du convoi et assassinée. Elle était ensuite enterrée dans sa robe de mariage.

Au XIXe siècle, dans un petit village d'Europe de l'est, Victor, un jeune homme, découvre le monde de l'au-delà après avoir épousé, sans le vouloir, le cadavre d'une mystérieuse mariée. Pendant son voyage, sa promise, Victoria l'attend désespérément dans le monde des vivants. Bien que la vie au Royaume des Morts s'avère beaucoup plus colorée et joyeuse que sa véritable existence, Victor apprend que rien au monde, pas même la mort, ne pourra briser son amour pour sa femme...

Les Noces Funèbres

Il était une fois un jeune homme qui vivait dans un village en Russie. Il était sur le point de se marier, et lui et son ami se préparaient à aller dans le village où sa future femme vivait, à deux jours de marche de son propre village. La première nuit les deux amis décidèrent de camper près d'une rivière. Le jeune homme qui allait se marier remarqua un bâton étrange dans le sol, qui ressemblait à un doigt décharné. Lui et son ami commencèrent à plaisanter sur ce doigt décharné sortant du sol et le jeune homme qui allait se marier prit l'alliance dans sa poche et la plaça sur l'étrange bâton. Et puis il commença à faire la danse de mariage autour du bâton ; il dansa trois fois autour du bâton avec l'alliance et il chanta la chanson juive de mariage, et il récita tout le sacrement de mariage alors qu'il dansait autour du bâton, tout en riant avec son ami. Leur amusement s'arrêta soudainement quand la terre se mit à gronder et à trembler sous leurs pieds. L'endroit où était le bâton s'ouvrit et un cadavre à l'air très débraillé émergea, un cadavre vivant, elle avait été une mariée, mais maintenant c'était à peine plus qu'un squelette tenu par des lambeaux de peau, portant toujours une vieille robe de mariage en soie. Des vers et des toiles d'araignée pendaient sur le corsage autrefois perlé et le voile déguenillé. Les deux jeunes hommes étaient horrifiés.

« Ah », dit-elle, « tu as fait la danse de mariage et prononcé les vœux de mariage et tu as mis l'alliance à mon doigt. Maintenant nous sommes mari et femme. J'exige mes droits en tant que mariée. »

Frissonnant avec terreur devant les paroles de la mariée, les deux jeunes hommes s'enfuirent au village où la jeune mariée attendait de se marier. Ils allèrent directement chez le rabbin.

« Rabbin », demanda le jeune homme hors d'haleine, « j'ai une question très importante à vous poser. Si par hasard vous marchez dans les bois et vous voyez un bâton qui ressemble à un long doigt décharné sortant du sol et vous mettez l'alliance sur le doigt et vous faites la danse et vous prononcez les vœux de mariages, est-ce effectivement un vrai mariage ? »

L'air très perplexe, le rabbin demanda, « As-tu vécu pareille situation ? »

« Oh non, non, bien sûr que non, c'est juste une question hypothétique. »

Caressant pensivement sa longue barbe, le rabbin déclara, « laisse-moi y réfléchir. ». Et à cet instant précis, une grande rafale de vent ouvrit brusquement la porte, et la mariée entra. « Je revendique que cet homme est mon mari, car il a placé cette alliance sur mon doigt et prononcé les vœux solennels de mariage, » exigea-t-elle, son doigt décharné cliquetant tandis qu'elle le secouait devant son futur époux.

« C'est effectivement un problème très sérieux. Je vais devoir consulter d'autres rabbins, » déclara le rabbin.

Bientôt tous les rabbins des villages alentours furent réunis. Ils organisèrent une conférence, tandis que les deux jeunes hommes attendaient anxieusement leur décision. La mariée attendait sur le porche en tapant du pied, en disant, « Je veux célébrer ma nuit de noce avec mon mari. ». Ces paroles effrayantes firent se dresser tous les poils du jeune homme, bien qu'il s'agissait d'une chaude journée d'été. Alors que les rabbins étaient en conférence, la vraie mariée arriva et voulu savoir quelles étaient toutes ces histoires. Quand son fiancé expliqua ce qui venait d'arriver, elle commença à pleurer, « Oh, ma vie est ruinée, tous mes espoirs et mes rêves sont brisés ; Je ne serai jamais mariée, je n'aurai jamais de famille. ». C'est alors que les rabbins sortirent et déclarèrent : « As-tu effectivement placé une alliance sur le doigt, et as-tu dansé trois fois autour et as-tu effectivement prononcé les vœux de mariage dans leur intégralité ? ». Les deux jeunes hommes qui pendant ce temps s'étaient tapis dans un coin hochèrent de la tête. L'air très sérieux, les rabbins retournèrent dans leur conférence. Et la fiancée pleura des larmes amères, tandis que la mariée jubilait en pensant à sa nuit de noce attendue depuis longtemps. Après un court instant les rabbins sortirent solennellement, prirent leurs sièges, et annoncèrent, « Comme tu as mis l'alliance au doigt de la mariée et que tu as dansé autour du doigt trois fois en récitant les vœux de mariage, nous avons déterminé que cela constituait une véritable cérémonie de mariage. Cependant, nous avons décidé que les morts n'avaient pas de revendications à avoir envers les vivants. ». Des murmures et des chuchotements pouvaient être entendus dans tous les coins, et la fiancée était particulièrement soulagée. La mariée, cependant, hurla, « Oh, ainsi part ma dernière chance pour une vie ; Mes rêves ne deviendront jamais réalité maintenant, c'est perdu pour toujours, » et elle s'effondra sur le sol. C'était une vision pathétique, un tas d'os dans une robe de mariage déguenillée, étendu là, sans vie. Submergée de compassion pour la mariée, la fiancée se mit à genoux et rassembla ce vieux tas d'os, arrangeant soigneusement la parure de soie déchirée en la tenant près, chantant et murmurant à la fois, comme pour consoler un enfant qui pleure, « ne t'inquiète pas, je vivrai tes rêves pour toi, je vivrai tes espoirs pour toi, j'aurai tes enfants pour toi, j'aurai assez d'enfants pour nous deux. Tu peux reposer en paix en sachant que nos enfants et les enfants de nos enfants seront bien-aimés et ne nous oublieront pas. ». Tendrement elle ferma les yeux de la mariée, tendrement elle la tint dans ses bras et lentement et avec des pas mesurés elle marcha vers la rivière avec sa charge fragile, l'emmena vers la rivière où elle creusa une petite tombe pour elle et l'y déposa, et croisa les bras décharnés sur la poitrine décharnée, la main étreignant celle avec l'alliance, et replia la robe de mariage autour d'elle.

Puis elle murmura, « Puisses-tu reposer en paix, je vivrai tes rêves pour toi, ne t'inquiète pas, nous ne t'oublierons pas. »

La mariée sembla heureuse et en paix dans sa nouvelle tombe, comme si elle savait que d'une façon ou d'une autre elle s'accomplirait à travers cette jeune mariée. Et la fiancée couvrit lentement la mariée et la robe de mariage déguenillée dans la petite tombe, couvrit le tout avec de la terre, puis déposa des fleurs et des pierres tout autour de la tombe. Puis la jeune mariée retourna vers son fiancé et ils se marièrent lors d'une cérémonie très solennelle et vécurent heureux. Et on raconta toujours à leurs enfants, petits-enfants et petits petits-enfants l'histoire de la mariée ; ainsi elle ne fut pas oubliée, ni la sagesse et la compassion qu'elle leur avait apprises.

Un des thèmes majeurs abordés dans les différentes interventions était le statut complexe du conte entre oral et écrit, son va-et-vient entre ces deux domaines, qui mettent en cause notre représentation de l’œuvre littéraire comme quelque chose d’unique, de définitif, de clos. C’est cette circulation du conte entre le fonds imaginaire commun dont il est issu et son existence comme œuvre littéraire au sens classique du terme, c’est-à-dire comme production d’un auteur, qu’Alexandre STROEV s’est attaché à mettre en lumière, considérant non seulement les contes, mais aussi leur utilisation par les grands auteurs russes, et c’est à son intervention que ces lignes sont consacrées.

 

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