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8 août 2003

PSYCHANALYSE NEVROSE

Chapitre 1 NEVROSE : 1

a Aperçu historique. 1

i CULLEN.. 1

ii PINEL, CHARCOT et JANET. 1

iii FREUD.. 2

b En bref 3

i Son but 3

c Les destins du phallus. 3

i Dans le cas d’hystérie. 3

a Genèse du fétichisme, FREUD, 1909. 4

ii Dans le cas de la névrose obsessionnelle. 4

d Entrée d’un point de vue libidinale. 4

i Frustration. 6

ii Effort intérieur en vue de satisfaction réalité. 7

iii Inhibition de développement 7

iv Elévation quantitative libidinale. 7

aAperçu historique

C’est un terme créé par le médecin écossais William CULLEN (1710‑1790) dans un traité de médecine édité en 1777. Il caractérise une maladie mentale ressentie et reconnue chez le patient de façon pénible mais avec une conscience claire, sans altération de la personnalité, sans délire et sans affaiblissement mental, contrairement aux psychoses. Cela témoigne du renouveau du regard clinique qui mit à l’honneur l’ouverture des cadavres et donc l’observation directe et post mortem des organes ayant subi diverses pathologies. D’où l’idée de créer un mot générique pour désigner l’ensemble des atteintes de la sensibilité et de la motricité sans fièvre et sans relation avec un quelconque organe. Ainsi naquit la définition moderne de la névrose, qui permettait par la négative de construire une nosographie, excluant de son champ le domaine des maladies pour lesquelles la nouvelle médecine anatoma‑pathologique ne trouvait pas d’explication organique.

Il fut popularisé en France par Philippe PINEL (1745‑1826) en 1785. Il reprendra aussitôt le terme et, un siècle plus tard, Jean Martin CHARCOT le popularisera en faisant de l’hystérie une maladie fonctionnelle (et donc une névrose) tandis que son élève, Pierre JANET, s’orientera vers l’idée d’une pure causalité psychique. Dans la terminologie JANETIENNE, qui marquera tous les cliniciens français de l’entre‑deux‑guerres, la névrose devient une maladie de la personnalité caractérisée par des conflits psychiques perturbant les conduites sociales. JANET distingue deux sortes de névroses : l’hystérie, dans laquelle apparaît un rétrécissement du champ de la conscience, et la psychasthénie, où se manifeste un abaissement de la fonction d’adaptation à la réalité.

Repris comme concept par Sigmund FREUD à partir de 1893, le terme est employé pour désigner une maladie nerveuse dont les symptômes symbolisent un conflit psychique refoulé d’origine infantile. Après sa rencontre avec CHARCOT, FREUD commence en effet à définir lui aussi l’hystérie comme une névrose, mais dans une tout autre perspective que celle de JANET. Il dégage définitivement l’hystérie de la présomption utérine en lui associant une étiologie sexuelle et un enracinement dans l’inconscient. Dès lors, et après la publication des Etudes sur l’hystérie en 1895, l’hystérie au sens FREUDIEN devient le prototype, pour le discours psychanalytique, de la névrose en tant que telle. Celle‑ci est désormais définie comme une maladie nerveuse dans laquelle intervient d’abord un trauma. D’où l’idée défendue par FREUD selon laquelle les patients atteints de névrose hystérique, des femmes en général, auraient subi des sévices sexuels réels dans leur enfance. Puis, après l’abandon en 1897 de cette théorie dite de la séduction, la névrose devient une affection liée à un conflit psychique inconscient d’origine infantile et ayant une cause sexuelle. Elle résulte d’un mécanisme de défense contre l’angoisse et d’une formation de compromis entre cette défense et la possible réalisation d’un désir. Parallèlement, à partir de 1894, FREUD adopte le terme psychonévrose qu’il abandonnera par la suite pour élargir la définition de la névrose. Il classe d’un côté des phénomènes de défense (ou psychonévroses de défense) relevant d’une situation oedipienne (phobie, obsessions, hystérie), et de l’autre des problématiques narcissiques (ou psychonévroses narcissiques) relevant d’une situation préoedipienne. Les premières seront cataloguées comme des névroses et les secondes se rangeront dans le catégorie des psychoses avec les nouvelles définitions, au début du 20ème siècle, de la paranoïa et de la schizophrénie. A côté de l’hystérie et dans le cadre des psychonévroses de défense, FREUD met en place en 1894 une définition de la névrose obsessionnelle :

« Il m’a fallu commencer mon travail par une innovation nosographique. A côté de l’hystérie, j’ai trouvé raison de placer la névrose des obsessions (Zwangneurose), comme affection autonome et indépendante, bien que la pulpart des auteurs rangent les obsessions parmi les syndromes constituant la dégénérescence mentale ou les confondent avec la neurasthénie. »

Quatre ans plus tard, en 1898, FREUD emploie le terme de névrose actuelle pour désigner la névrose d’angoisse (ou excitabilité nerveuse) et la neurasthénie qui ne relèvent pas selon lui de la cure psychanalytique. Il s’agit là d’une névrose dans laquelle le conflit émane de l’actualité présente du Sujet, et non de son histoire infantile, et où le symptôme ne se manifeste pas de façon symbolisée. Entre 1914 et 1924, FREUD conserve la définition classique qu’il a donnée à la névrose au début de ses découverte et de ses expériences cliniques. Avec le développement de la psychanalyse, le concept évolue pour trouver finalement place à l’intérieur d’une structure tripartite au côté de la psychose et de la perversion. Après les grands débats avec Carl Gustav JU NG et Eugen BLEULER sur la dissociation, l’auto‑érotisme et la narcissisme, puis avec l’entrée en scène de la deuxième topique organisée autour de la trilogie du Moi, du Ça et du Surmoi, il donne une organisation structurale au couple formé par la névrose et la psychose, auxquelles il ajoute la perversion. Partant de la distinction entre le narcissisme primaire où le Sujet investit la libido pour elle‑même et la narcissisme secondaire où il y a retrait de la libido sur les fantasmes, FREUD en vient à définir l’opposition entre névrose et psychose comme le résultat de deux attitudes issues d’un clivage du Moi. Dans la névrose il a conflit entre le Moi et le Ça et cohabitation entre une attitude qui contrarie l’exigence pulsionnelle et une autre qui tient compte de la réalité, alors que dans la psychose il y a un trouble entre le Moi et le monde extérieur qui se traduit par la production d’une réalité délirante et hallucinatoire (la folie). Cet édifice structural, FREUD le complète en y introduisant un troisième élément : la perversion. Après avoir fait de la névrose en 1905, dans les Trois Essais sur la théorie sexuelle, le négatif de la perversion, il caractérise celle‑ci comme une manifestation brute et non refoulée de la sexualité infantile (perverse polymorphe). Dans cette perspective, les trois termes finiront comme reconstruction d’une réalité hallucinatoire, la perversion comme déni de la castration avec fixation à la sexualité infantile. A partir des années 1950, ce modèle du FREUDISME classique est remis en cause, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, avec l’apparition d’une part de la notion d’états‑limites et de l’autre des nouvelles conceptions de la névrose issues des travaux de Donald WOODS WINICOTT et de Heinz KOHUT, centrées autour de la question du self. En conséquence, d’un point de vue FREUDIEN, on classe dans le registre de la névrose l’hystérie et la névrose obsessionnelle, auxquelles il faut ajouter la névrose actuelle, qui comprend la névrose d’angoisse et la neurasthénie, et la psychonévrose, qui recouvre la névrose de transfert et la névrose narcissique.

L’expression névrose de caractère relève de la terminologie d’Edward GLOVER et de la doctrine de Wilhelm REICH, la notion de névrose d’échec a été forgée par René LAFORGUE et celle de névrose d’abandon par la psychanalyste suisse Germaine GUEX (1904‑1984).

bEn bref

Affection psychogène où les symptômes sont l’expression symbolique d’un conflit psychique trouvant ses racines dans l’histoire infantile du sujet et constituant des compromis entre le désir et la défense. L’extension du terme de névrose a varié ; de nos jours on tend à le réserver, lorsqu’il est employé seul, aux formes cliniques qui peuvent être rattachées à la névrose obsessionnelle, à l’hystérie et à la névrose phobique. La nosographie différencie ainsi névroses, psychoses, perversions, affections psychomatiques, tandis que le statut nosographique de ce qu’on nomme « névroses actuelles »,  »névroses traumatiques », « névroses de caractère » reste discuté.

Il arrive fréquemment chez les névrosés que, si un symptôme n’atteint pas son but, il devienne de plus en plus complexe. L’Individu est soutenu par l’espoir que, s’il parvenait à perfectionner suffisamment le symptôme, il atteindrait le but en vue duquel celui‑ci a été créé.

cLes destins du phallus

La mise en évidence, en 1915, du refoulement originaire, marque un acquis capitale de la théorisation de FREUD, qui va permettre de décliner les matériaux bruts présentés par la clinique selon trois structures, longtemps considérées comme canoniques : la psychose, la névrose et la perversion. La variété des conduits névrotiques atteste que, confronté au défaut du signifiant phallique au troisième acte du drame, le Sujet humain est souvent hors d’état d’accomplir l’opération de retournement du retournement qui intronise la femme comme site du phallus et lieu de l’interdit. Les modalités de ce ratage déterminent les divers choix de la névrose (au sens subjectif du terme).

La forme la plus culturalisée de la névrose est l’hystérie, dans laquelle le Sujet bricole, pour tenir le rôle du signifiant phallique, une femme érigée, parfois jusqu’au ridicule, en phallus postiche. FREUD a montré avec humour que telle était la solution banalisée exploitée par la mode.

« Nous comprenons pourquoi même les femmes les plus intelligentes se comportent sans défense face aux exigences de la mode. C’est que pour elles le vêtement joue le rôle des formes du corps et que porter les mêmes vêtements [que les autres femmes] signifie qu’elles sont capables, elles aussi, de montrer ce que les autres femmes sont en mesure de montrer, c’est‑à‑dire que l’on va pouvoir trouver chez elles tout ce que l’on est en droit d’attendre véritablement d’une femme »

En lieu et place du signifiant inter‑dit, le phobique, pour sa part, installe un interdit fabriqué de toutes pièces (l’Objet phobique), qui lui permet de constituer une pseudo‑réalité en forme de jeu de l’oie, où les clignotants de l’angoisse et les chicanes de l’inhibition règlent le déroulement d’une partie dont le seul enjeu est de maintenir le Sujet à distance respectueuse de son désir. C’est la névrose obsessionnelle, toutefois, qui produit la démonstration la plus éclatante du ratage du retournement du retournement, en nous présentant un personnage engagé, sans repos ni répit, dans la quête torturante d’un phallus féminin, échappé à tout effet de métaphorisation. Le patient de FREUD connu sous le nom de l’Homme aux rats a laissé à la postérité la figure exemplaire de cette destinée, dont il livre la clef dans le récit d’une scène vécue à l’âge de cinq ans :

« Nous avions une jeune et très belle gouvernante, Mlle PIERRE [Fräulein PETER]. Un soir, elle était étendue, légèrement vêtue, sur un divan, en train de lire ; j’étais couché près d’elle. Je lui demandai la permission de me glisser sous ses jupes. Elle me le permit, à condition de n’en rien dire à personne. Elle était à peine vêtue, et je lui touchai les organes génitaux et le ventre, qui me parurent singuliers. Depuis, j’en gardai une curiosité ardente et torturante de voir le corps féminin. »

La clinique d’Ernst LANZER met en évidence le ratage du procès de métaphorisation phallique normalement accompli sur le corps de la femme, constitué alors comme lieu du mystère. La curiosité du Sujet est à rebours, chez l’obsessionnel, focalisé sur le sexe féminin, qui se découvre comme étant non plus le site d’un secret mais l’espace de recel d’une énigme à laquelle le Sujet va vouer sa vie jusqu’à la mort.

dEntrée d’un point de vue libidinale

Il s’agit d’examiner les facteurs qui déclenchent la maladie. L’importance que nous devons attribuer à la quantité de libido dans la cause de la maladie s’accorde parfaitement avec deux propositions fondamentales de la doctrine des névroses, que la psychanalyse a établies. La première proposition c’est que les névroses surgissent du conflit entre le Moi et la libido, la seconde, c’est qu’il n’existe aucune différence entre les conditions de la santé et celles de la névrose. Au contraire les Individus en conne santé ont à se mesurer avec les mêmes tâches de maîtrise de la libido, la différence étant qu’ils y parviennent mieux. La psychanalyse nous a permis de reconnaître que les destins de la libido sont ce qui décide de la santé ou de la maladie nerveuse. Dans ce contexte, nous ne nous perdrons pas en paroles inutiles sur le concept de disposition. Précisément la recherche psychanalytique nous a permis de montrer que la disposition névrotique se situe dans l’histoire du développement de la libido, et de ramener les facteurs agissant en elle à des variétés innées de la constitution sexuelle et à des actions du monde extérieur survenues dans l’expérience de la première enfance. Il est souhaitable de distinguer rigoureusement ces deux types d’entrée dans la maladie, plus rigoureusement que l’observation, en général, ne le permet. Dans le premier type, c’est une modification du monde extérieur qui est au premier plan, dans le second, l’accent porte sur une modification interne. Dans le premier type on tombe malade par suite d’un événement vécu, dans le second, par suite d’un processus de développement. Dans le premier cas la tâche consiste à renoncer à la satisfaction et l’Individu tombe malade en raison de son incapacité à résister. dans le second cas la tâche est d’échanger une sorte de satisfaction pour  une autre, et la personne échoue en raison de sa rigidité. Dans le second cas le conflit est d’emblée présent entre l’effort pour demeurer tel qu’on est et l’effort pour se modifier en fonction de nouveaux desseins et de nouvelles exigences de la réalité. Dans le cas précédent, le conflit s’instaure seulement après que la libido endiguée a choisi d’autres possibilités de satisfaction, des possibilités inconciliables. Le rôle du conflit et celui de la fixation antérieure de la libido sont dans le second type incomparablement plus évidents que dans le premier, où ces fixations fâcheuses peuvent éventuellement ne s’installer qu’à la suite de la frustration externe. Malgré les différences très nettes entre les deux types d’entrée dans la maladie, ils se rencontrent néanmoins pour l’essentiel et sont faciles à ramener à une unité. L’entrée dans la maladie par frustration se range aussi sous le point de vue de l’incapacité de s’adapter à la réalité, à savoir comme ce cas précis où la réalité refuse la satisfaction de la libido. L’entrée de la maladie sous les conditions du second type conduit directement à un cas particulier de la frustration. Certes, en cette occurrence, ce n’est pas n’importe quelle sorte de satisfaction que la réalité refuse, mais bien précisément la seule sorte que l’Individu déclare lui être possible, et la frustration ne provient pas directement du monde extérieur mais, au niveau primaire, de certaines tendances du Moi. néanmoins, la frustration demeure le facteur général et le plus inclusif. Par suite du conflit, qui, dans le second type, s’instaure d’emblée, les deux sortes de satisfaction sont également inhibées : celle à laquelle on était accoutumé et celle qu’on tentait d’atteindre. On aboutit à la stase de la libido avec toutes les conséquences qui en découlent, comme dans le premier cas. Les processus psychiques menant à la formation de symptôme sont sans doute plus faciles à suivre dans le second type que dans le premier. Ici, en effet, les fixations pathogènes de la libido n’ont pas eu à être mises en place d’abord, mais elles étaient en vigueur pendant la période de santé. Une certaine mesure d’introversion de la libido était généralement déjà présente. Une part de régression vers l’infantile est économisée du fait que le développement n’avait pas encore accompli tout son chemin. Il nous reste encore à dire quelques mots sur la relation existant entre ces types d’expérience. Aucun des Sujets ne réalise dans sa pureté l’un des quatre types d’entrée dans la maladie. D’une part, se remarque la frustration à côté d’un élément d’incapacité à s’adapter à l’exigence de la réalité. Le point de vue de l’inhibition de développement, qui coïncide bien sûr avec la rigidité des fixations, doit être pris chez tous en considération, et, ainsi que nous y avons insisté l’importance de la quantité de libido ne doit jamais être négligée. En fait, chez la plupart de ces Sujets la maladie est apparue par coulées successives entre lesquelles on trouve des intervalles de santé, et chacune de ces coulées peut être rapportée à un type différent de facteur déclenchant. Ainsi, il n’est pas d’une haute valeur théorique d’avoir posé l’existence de ces quatre types. Il s’agit simplement de différentes voies qui arrivent à instaurer une certaine constellation pathogène dans l’économie mentale : la stase de la libido dont le Moi avec les moyens dont il dispose ne peut se défendre sans dommages. Mais la situation elle‑même ne devient pathogène qu’en conséquence d’un facteur quantitatif. Elle n’est pas en soi une nouveauté pour la vie mentale et n’est pas due à l’irruption d’une soi‑disant « cause de la maladie ». Nous accorderons volontiers une certaine importance pratique aux types d’entrée dans la maladie. Dans des cas particuliers on peut même les observer à l’état pur. Les troisième et quatrième types n’auraient pas attiré notre attention s’ils ne résumaient pas à eux seuls, pour un certain nombre d’Individus, les facteurs déclenchants de la maladie. Le premier type nous maintient à l’esprit l’influence extraordinairement puissante du monde extérieur, le second celle non moins importante du tempérament particulier de l’Individu qui s’oppose à cette influence. La pathologie ne pouvait traiter correctement le problème du facteur déclenchant de la maladie dans les névroses tant qu’elle centrait uniquement ses efforts sur la distinction entre nature endogène et exogène de ces affections. Toutes les observations qui soulignaient l’importance de l’abstinence (au sens large du terme) comme facteur déclenchant se voyaient aussitôt objecter que d’autres personnes toléraient le même destin sans tomber malade. Mais lorsque la pathologie voulait insister sur le tempérament de l’Individu comme ce qui décide de la maladie et de la santé, il lui fallait tenir compte de cette objection que des personnes dont le tempérament particulier est tel peuvent rester indéfiniment en bonne santé aussi longtemps qu’il leur est permis de préserver cette particularité. La psychanalyse nous a exhortés à abandonner l’opposition stérile entre facteurs externes et internes, entre Destin et constitution, et nous a enseigné à trouver régulièrement la cause de l’entrée dans la névrose dans une situation psychique déterminée qui peut être instaurée par des voies différentes.

Un jeune homme qui jusqu’à présent a satisfait sa libido par des fantasmes débouchant dans la masturbation peut maintenant échanger ce régime proche de l’auto‑érotisme pour un choix d’Objet réel. Une jeune fille qui a dédié toute sa tendresse à son père ou à son frère doit maintenant, pour un homme qui la courtise, laisser venir à la conscience les désirs libidinaux incestueux jusqu’alors restés inconscients. Une femme voudrait renoncer à ses tendances polygamiques et à ses fantasmes de prostitution afin de devenir une fidèle compagne pour son mari et une mère irréprochable pour son enfant. Toutes ces personnes tombent malades en raison des efforts les plus louables, lorsque leurs fixations antérieures de la libido sont suffisamment fortes pour s’opposer à un déplacement. Ici, de nouveau, les facteurs tenant à la disposition, équipement constitutionnel et vécu infantile, sont décisifs. Toutes ces personnes connaissent, pourrait‑on dire, le destin du petit arbre du conte de GRIMM, qui voulait changer de feuilles. Du point de vue de l’hygiène, qui bien sûr n’est pas le seul à devoir être pris en considération ici, on ne pourrait que leur souhaiter d’être restés aussi mal développés, aussi inférieurs et aussi propres à rien qu’ils l’étaient avant leur maladie. La modification que visent les malades, mais qu’ils ne peuvent réaliser qu’imparfaitement, voire pas du tout, a régulièrement valeur d’un progrès dans le sens de la vie réelle. Il en va autrement lorsqu’on applique un instrument de mesure éthique. On voit alors que les hommes tombent aussi souvent malades lorsqu’ils se débarrassent d’un idéal que lorsqu’ils veulent l’atteindre.

La circonstance la plus évidente qui déclenche l’entrée dans la névrose, celle qu’il est le plus facile à découvrir et de comprendre, réside dans ce facteur extérieur qu’on peut décrire sous le terme de frustration. L’Individu était en bonne santé aussi longtemps que son besoin impérieux d’amour était satisfait par un Objet réel du monde extérieur. Il devient névrosé dès que cet Objet lui est retiré sans qu’un substitut vienne s’offrir à la place. Ici le bonheur coïncide avec la santé, le malheur avec la névrose. Plus facilement qu’au médecin, la guérison revient au destin, qui peut offrir un substitut de la possibilité de satisfaction perdue. Pour ce type, auquel participe sans doute la majorité des êtres humaines, la possibilité de devenir malade ne commence qu’avec l’abstinence, ce qui permet de mesurer toute l’importance pour le déclenchement de la névrose des limitations apportées par la culture à l’ensemble des satisfactions qui nous sont accessibles. La frustration a un effet pathogène en ce qu’elle endigue la libido, mettant ainsi l’Individu à l’épreuve de savoir combien de temps il supportera cette élévation de la tension psychique, et quelles voies il empruntera pour se débarrasser de celle‑ci. Il n’existe que deux possibilités pour se maintenir en bonne santé lorsqu’il persiste une frustration réelle de la satisfaction. La première consiste à convertir la tension psychique en énergie active qui reste dirigée vers le monde extérieur et qui finalement force celui‑ci à accorder une satisfaction réelle de la libido. La seconde est de renoncer à la satisfaction libidinale, à sublimer la libido endiguée et à l’utiliser pour atteindre des buts qui ne sont plus érotiques et qui échappent à la frustration. Que ces deux possibilités viennent à se réaliser dans le destin des êtres humains , ceci nous prouve que le malheur ne coïncide pas avec la névrose et que la frustration n’est pas seule à décider de la santé ou de la maladie de celui qu’elle atteint. L’action de la frustration consiste avant tout à mettre en jeu les facteurs dispositionnels jusqu’alors inactifs. Lorsque ces facteurs sont présents et suffisamment forts, on rencontre le danger que la libido devienne introvertie (terme de JUNG). Elle se détourne de la réalité qui a perdu sa valeur de par la frustration obstinée qu’elle oppose à l’Individu, elle se tourne vers la vie fantasmatique, au sein de laquelle elle se crée de nouvelles formations de désir et ranime les traces e formations de désir plus anciennes, oubliées. Par suite de la relation intime entre l’activité fantasmatique et le matériel infantile, refoulé et devenu inconscient qu’on trouve en chaque Individu, grâce à la situation d’exception qui est accordée à la vie fantasmatique eu égard à l’épreuve de réalité, la libido peut maintenant rétrograder plus loin, trouver, sur la voie de la régression, des chemins infantiles et tendre vers des buts qui leur correspondent. Lorsque ces tendances, qui sont inconciliables avec l’état actuel de l’individualité, ont acquis suffisamment d’intensité, un conflit est inévitable entre elles et l’autre partie de la personnalité qui est restée en relation avec la réalité. Ce conflit est résolu par des formations de symptôme et débouche dans une maladie manifeste. Le fait que l’ensemble du processus est parti de la frustration réelle trouve son reflet dans ce résultat que les symptômes qui permettent de retrouver le sol de la réalité représentent des satisfactions substitutives.

Le deuxième type de facteur déclenchant la maladie n’est pas du tout aussi évident que le premier. En fait, ce sont seulement des recherches psychanalytiques approfondies, en relation avec la théorie des complexes de l’Ecole de ZURICH, qui ont permis de le découvrir. Ici, l’Individu ne tombe pas malade à la suite d’une modification du monde extérieur qui remplace la satisfaction par la frustration, mais à la suite d’un effort intérieur pour se procurer la satisfaction qui est accessible dans la réalité. Il tombe malade dans sa tentative pour s’adapter à la réalité et pour remplir l’exigence de la réalité, tentative où il se heurte à des difficultés internes insurmontables.

Le troisième type d’entrée dans la maladie se présente comme une exagération du second, celui par exigence de la réalité. C’est une entrée dans la maladie par inhibition de développement. Nous ne le distinguerons pas pour une raison théorique, mais pour une raison pratique, car il s’agit de personnes qui tombent malades dès qu’elles dépassent l’âge irresponsable de l’enfance de sorte qu’elles n’ont jamais atteint une phase de santé c’est‑à‑dire une capacité, sans limitations patentes, d’agir et de jouir. L’essentiel du processus prédisposant est, dans ce cas, tout à fait clair. La libido n’a jamais abandonné les fixations infantiles, l’exigence de la réalité ne se présente pas brusquement d’un seul coup à un Individu totalement ou partiellement mature, elle est apportée par le simple fait du vieillissement, puisqu’il va de soi qu’elle se modifie continuellement avec l’âge de l’Individu. Le conflit s’efface ici devant l’insuffisance, mais pourtant tout ce que nous savons par ailleurs nous force à supposer qu’il existe, dans ce cas aussi, une tendance à surmonter les fixations de l’enfance, faute de quoi le résultat du processus ne pourrait jamais être une névrose mais seulement un infantilisme stationnaire.

De même que le troisième type nous a présenté, de façon presque isolée, la condition de la disposition, de même le quatrième attire maintenant notre attention sur un autre facteur dont l’efficace est en jeu dans tous les cas, de sorte qu’une discussion théorique risquerait facilement de le négliger. Nous voyons tomber malades des Individus qui jusqu’alors avaient été en bonne santé qui, dans leur vie, n’ont rencontre aucun nouvel événement et dont la relation au monde extérieur n’a subi aucune modification, si bien que leur entrée dans la maladie ne peut que donner l’impression de la spontanéité. Si l’on considère cependant ces cas de plus près, on s’aperçoit qu’une modification s’est pourtant produite en eux, modification dont nous devons apprécier toute l’importance pour la cause de la maladie. Lorsque ces Individus sont entrés dans une certaine période de la vie, et en relation avec des processus biologiques réguliers, la quantité de libido dans leur économie psychique a subi une élévation, qui à elle seule suffit à bouleverser l’équilibre de l’état de santé et à instaurer les conditions de la névrose. On sait que ces élévations assez soudaines de la libido sont régulièrement liées à la puberté et à la ménopause, aux moments où les femmes atteignent certains âges. De plus, chez un certain nombre d’Individus, il est possible que ces élévations se manifestent selon des périodicités encore inconnues. La stase de la libido est ici le facteur primaire, elle devient pathogène par suite de la frustration relative de la part du monde extérieur, qui aurait pu continuer à accorder satisfaction à une revendication libidinale plus petite. La libido insatisfaite et stasée peut rouvrir les voies de la régression et activer les mêmes conflits que nous avons constatés dans le cas de la frustration externe absolue. Cela vient nous rappeler que nous n’avons pas le droit de négliger le facteur quantitatif dans tout examen des circonstances qui déclenchent la maladie. Tous les autres facteurs, frustration, fixation, inhibition de développement, restent inefficaces dans la mesure où ils ne portent pas sur une certaine quantité de libido et ne provoquent pas une stase libidinale d’une certaine hauteur. Cette quantité de libido qui nous paraît indispensable pour provoquer une action pathogène, assurément nous ne sommes pas capables de la mesurer. Nous ne pouvons que la postuler, une fois survenu ce résultat qu’est la maladie. Il n’est qu’une direction dans laquelle nous pouvons la déterminer plus précisément. Nous pouvons admettre qu’il ne s’agit pas d’une quantité absolue, mais du rapport entre le quantum actif de la libido et cette quantité de libido que le Moi Individuel peut maîtriser, c’est‑à‑dire maintenir sous tension, sublimer ou utiliser directement. Il s’ensuit qu’une élévation relative de la quantité de libido pourra avoir les mêmes effets qu’une élévation absolue. Un affaiblissement du Moi par une maladie organique ou par une réquisition particulière de son énergie sera capable de faire survenir des névroses qui sans cela, malgré toutes les dispositions qu’on disposera, seraient restées latentes.

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