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23 février 2007

Bernard Plossu, la photo en liberté

Celui qui bouscula les codes de la photographie humaniste revient sur son parcours atypique. A Strasbourg, une rétrospective lui est consacrée

            

Un livre paru à l'automne. Deux expositions aujourd'hui. De quoi redécouvrir le travail de Bernard Plossu dont l'oeuvre a souvent été réduite - jusqu'à la caricature -, à la seule photographie de voyage quand elle n'est pas accusée d'être " floue ".

Plossu n'en a pas moins, au début des années 1960, bousculé les codes de la photographie humaniste édictés par ses aînés. En lui insufflant les délires enfumés, les rêves d'ailleurs et l'appel à la rébellion, cette envie de ne rien faire si ce n'est profiter de la vie, propre à sa génération.

Au news, à l'extraordinaire, à " l'instant décisif " d'Henri Cartier-Bresson, le photographe préfère les moments sans importance qui captent l'ambiance, l'énergie, les sentiments du présent. Et tant pis, ou tant mieux, si cela passe par des images bougées, décadrées. La perfection technique n'a jamais été sa priorité. C'est à l'étranger que Plossu a expérimenté tout cela. Né au Vietnam en 1945, il réalise ses premières photos à 13 ans, lors d'un voyage au Sahara. Mais c'est au Mexique qu'il va intimement lier la photographie à sa vie.

" DÉFONCÉ À LA MARIJUANA "

" Je tournais en rond en France, raconte-t-il. Le Mexique, où s'étaient installés mes grands-parents, m'attirait énormément. D'autant que j'avais vu Que Viva Mexico d'Eisenstein et surtout Vera Cruz d'Aldrich. Mes seules références étaient cinématographiques. "

Plossu atterrit donc à Mexico- City en 1965. Avec l'idée de " se chercher tout en étudiant une langue étrangère ". D'études, il n'y en aura point. A peine arrivé, le jeune homme s'évade avec une bande de beatniks qu'il immortalise avec un petit appareil d'adolescent. " J'ai photographié mes copains, la route, l'errance, la liberté ", se souvient-il. Ces images hallucinées seront regroupées en 1979 au sein d'un livre désormais culte (éd. Contrejour).

" Je n'avais aucune conscience de ce que je faisais, reconnaît Plossu. Le Voyage mexicain est quelque chose de totalement innocent, sans but et assez défoncé à la marijuana. La photographie était alors pour moi une manière de tenir un journal de bord, très cinématographique, appareil à l'épaule ", explique celui qui se revendique comme un héritier de la Nouvelle Vague.

Le métier, Plossu le découvre trois mois plus tard au cours d'une mission ethnographique dans la jungle pour laquelle il est embauché en se faisant passer pour un photographe professionnel. " J'ai tout appris sur le tas. Ça a été ma chance ", avoue-t-il.

De retour en France en 1967, le marché de la photographie n'existant pas encore, le jeune homme frappe à la porte des agences de presse, seul moyen pour un photographe de vivre de son art. Mais toutes réclament de la couleur. Alors Plossu fonde une agence de photos de voyage en couleur, avec des copains. " Nos images reprenaient les codes de la photographie classique au grand angle, explique-t-il. En parallèle, je continuais un travail personnel en noir et blanc, sans trop savoir à quoi cela pouvait bien servir si ce n'est à m'exprimer. "

Dès que ses moyens le lui permettent, il file en Californie, retrouver ses amis hippies. Il n'en reste pas moins lucide sur le pays. En témoignent les photos cinglantes qu'il réalise d'une société américaine individualiste, religieuse, grignotée par un urbanisme échevelé.

IMPOSER SON CULOT

Au fil de ses voyages, du Niger en Egypte, Plossu finit par délaisser la photographie commerciale pour se consacrer uniquement à son travail personnel. Et abandonne dans la foulée le grand angle " qui déforme tout " au profit du 50 mm. Lorsqu'il s'installe au Nouveau-Mexique en 1977, il choisit de démarcher les galeries plutôt que les agences de presse.

Une publication dans la revue Art in America lui ouvre le circuit des expositions et de l'édition, encore inexistant en France, " même si Claude Nori avec les éditions Contrejour ou Michelle Chomette avec sa galerie commencent à créer une dynamique ", tient-il à préciser.

C'est pourtant en bavardant avec des photographes français de sa génération comme Jean-Claude Gautrand ou Jean-Claude Lemagny, au début des années 1970, que Plossu avait pris conscience de l'originalité de ses photographies en noir et blanc.

Depuis, Plossu a connu des hauts et des bas, des rétrospectives, un Prix national de la photographie (1988), suivi de multiples commandes publiques. Des silences aussi, de la part des grandes institutions. Qu'importe ! A l'heure où la photographie plasticienne ne jure que par la couleur et le grand format, lui continue d'imposer avec culot des miniatures, en noir et blanc. Et d'interroger les codes du portrait, de la nature morte, du paysage, à sa manière, poétique, simple, délicate et intemporelle.

Hélène Simon

          

          

© Le Monde

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