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22 février 1998

POLITIQUE - SEGO : Changer la vie

égolène Royal fait de la politique. Elle en fait beaucoup, trop parfois. Sans jamais désemparer. Elle fait de la politique selon une définition simple : suivre sa « vérité » de femme en l'occurrence. Elle l'a montré en 1988, avec son élection surprise comme député des Deux-Sèvres, dont elle ne connaissait pas le fromage de chèvre trois semaines plus tôt. Devenue ministre de l'environnement en 1992, elle l'a prouvé en faisant adopter cinq textes de loi en onze mois. Qui dit mieux ?, rappelle-t-elle aujourd'hui, avec satisfaction.

Elle l'a confirmé depuis. Rescapée de la déroute socialiste de 1993, elle a fait face, sans raser les murs, contrairement à beaucoup d'autres. Professionnelle jusqu'au bout des ongles, elle est toujours la première, salle des Quatre colonnes, quand micros et caméras s'y pressent. Imperturbable, elle n'est jamais la dernière à tenir tête à un hémicycle où la droite est si nombreuse et si masculine. Bref, Ségolène paraît inoxydable.

Comme si elle avait décidé d'appliquer à la lettre le testament de François Mitterrand, son Pygmalion, lors du dernier conseil des ministres de la gauche qu'il présida le 24 mars 1993. « Nous allons nous battre dos au mur. Persévérez ! », avait murmuré, ce jour-là, le président de la République. « J'aurais voulu lui dire, si cela n'était apparu trop présomptueux, que d'autres essaieraient bien, à leur tour, de s'en saisir pour réveiller nos espoirs endormis et gâchés ». Elle s'y emploie avec un aplomb formidable. C'est à peine si elle reconnaît, fugitivement, que la gauche n'a pas été plus brillante et plus généreuse que la droite pour aider l'Afrique à sortir du sous-développement. A peine si elle admet, indulgente, qu'après sa réélection de 1988, qui « était en quelque sorte une fin en soi », François Mitterrand, « peut-être, n'avait déjà plus la force de changer » ; quand, précisément à ce moment-là, « il aurait été nécessaire de revenir aux valeurs de gauche » et de régénérer la citoyenneté et la République.

Pour le reste, elle veut oublier les erreurs, les échecs et les faiblesses. Et retrouver les chemins tellement plus riants du « débat d'idées ». Elle le fait avec un humour cinglant quand il s'agit de dénoncer l'exclusion des femmes, son combat de toujours. Ségolène Royal, on le sait, plaide pour la féminisation des titres. Si elle est « marginale », cette affaire de vocabulaire n'en est pas moins symbolique, insiste-t-elle. Elle avait donc écrit au président de l'Assemblée nationale pour l'inviter à accorder un « e » final aux femmes députés. En réponse, Philippe Séguin avoua sa « perplexité », se retrancha derrière l'Académie française, avant de conclure : « Je ne suis pas intimement convaincu que ce soit le meilleur combat pour la cause des femmes ». « Voilà bien le problème ! », réplique la députée des Deux-Sèvres : « Un homme n'est pas ``intimement convaincu`` de quelque chose qui, pourtant, ne le concerne pas directement et intimement ! , donc il ne croit pas pouvoir ``l'octroyer`` ».

Les chemins de « l'utopie », elle les explore avec enthousiasme. Pour mieux dénoncer le « capitalisme [qui] a imposé son désordre » mondial. Pour fustiger le libéralisme qui a réduit le travail à un coût toujours trop lourd , alors qu'il « constitue aussi une valeur, sans laquelle toute société se désagrège ». Pour clouer au pilori les responsables politiques qui commettent « une faute sociale, une erreur économique et une régression morale » en plaçant la marchandise avant l'homme, le profit avant la dignité ou le bonheur. Face à cette « défaite de la pensée », Ségolène Royal appelle au sursaut : « Qui ne conviendra qu'il existe une forme de violence du désordre des valeurs, une série d'immoralités publiques qui déstructurent profondément la société et appellent la remise en place d'un code de l'honneur », d'un « nouvel ordre social », presque « un nouvel ordre moral ».

Le plaidoyer est flamboyant. Au point d'affirmer sans démontrer, de brandir des « valeurs » pour mieux esquiver des solutions. Au point même de tomber dans la facilité. Sans doute la droite, trop souvent, « ferme les yeux sur l'écrasement des droits de la personne ». Mais la gauche n'a pas été au-dessus de tout soupçon dans ce domaine, laissant hier s'effriter le droit d'asile et se montrant bien embarrassée, aujourd'hui, sur la question de l'immigration. De même le réquisitoire contre les inégalités « insupportables » devant l'école et la culture n'oblige pas à s'en remettre à des remèdes que l'on n'ose appeler de bonne femme, comme l'utilisation des moyens modernes de communication ou l'installation d'internats dans les chefs-lieux de canton ruraux pour accueillir les enfants des banlieues urbaines... Il ne suffit pas de proclamer qu'il faut changer la vie pour convaincre. L'étendard a déjà servi. Et beaucoup déçu.

 

                  

PAR GERARD COURTOIS


Article paru dans l'édition du 25.10.96

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