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8 août 2003

PSYCHANALYSE LACAN

Chapitre 1 LACAN_ 1

a Influences conduisant à LACAN_ 1

b Ce en quoi il a agi 2

i L’inconscient 3

a L’inconscient est structuré comme un langage 3

b L’inconscient du Sujet est le discours de l’Autre 5

Un Ses trois instances 6

· Ça ou le symbolique 6

· le Moi ou l’imaginaire 7

· Le réel 8

L

aInfluences conduisant à LACAN

Le vocabulaire de la pensée hégélienne fait surgir des mots que nous avons déjà pu employer : le désir, mais aussi l’être et le rapport pris de la dialectique maître‑esclave, entre le désir, l’être et la mort. LACAN repense l’inspiration philosophique de FREUD, dont nous avons vu qu’il la refusait consciemment, bien qu’elle apparaisse dans ses formulations théoriques. Il est intéressant que l’idéalisme hégélien vienne dans la démarche de LACAN à la rescousse de FREUD. Le système dialectique fait en effet changer la topique freudienne de l’intérieur en lui imposant une logique du retournement que LACAN complètera par la suite avec les instruments de la topologie mathématique. L’idéalisme hégélien est dans ce cas préférable au matérialisme biologiste et énergétique de FREUD.

L’anthropologie, structurale ou non, permet à LACAN de repenser la mythologie freudienne, du complexe d’Œdipe à la horde primitive, et d’éclairer, par les études sur les structures de la parenté, la notion de famille qui déjà avait attiré l’attention de LACAN : WALLON lui confie, en 1938, l’article famille de L’Encyclopédie française. Avec les données de l’anthropologie s’introduit dans la composition oedipienne triangulaire (père, mère, enfant) l’iodée que le père biologique compte peu au regard du père civil ou effectif : oncle, grand‑père, instituteur, père symbolique. L’impact de la réflexion sur la culture s’en trouve profondément modifié.

La linguistique, par l’utilisation des concepts qu’elle formule, transforme les mots freudiens qui décrivent les lois de l’inconscient et rendent possible une véritable réécriture de la topique à partir de la notion saussurienne de signifiant.

bCe en quoi il a agi

Enfin, Jacques LACAN possède un style : un style de langage et d’allure qui est sans doute ce qui lui est le plus souvent reproché. Stylée ésotérique, amphigourique, précieux, dit‑on, tous ce adjectifs désignant une sophistication du vocabulaire qui semble inutile à ces critiques dont par ailleurs la malveillance ne fait pas de doute. Cependant, en écrivant et en parlant comme il le fait, LACAN suit FREUD sur un terrain précis : celui du jeu de mots, de l’effet de langage, que LACAN appelle effet de cristal de la langue. Comme le mot d’esprit, les tournures de style de LACAN ont une fonction de dénonciation sociale, de dérision, ou de démonstration. Il emploie tous les effets possibles : tournures inversées, archaïsmes, tous rhétoriques, argot, langues étrangères, et surtout néologismes. Le résultat étonne et détonne, fait pour surprendre, pour réveiller le langage de son sommeil, pour, comme il le dit en parlant des effets de la cure analytique, « régénérer le signifiant ». C’est à proprement parler une affaire poétique. On reproche à LACAN ce qu’on ne songerait pas à reprocher à celui qui prend le statut social de l’écrivain, alors que le psychanalyste se situe du côté de l’image reçue du médecin. LACAN pour sa part cherche à trouver un statut nouveau à l’analyste. L’image qu’il en donne est intermédiaire entre celle du professeur et du chaman, ce médecin sorcier des sociétés anhistoriques. Chaman, car l’enseignement qu’il transmet ne peut se dispenser dans le cadre de l’Université que LACAN attaque comme toute institution, y compris l’institution psychanalytique. Professeur cependant car la figure de LACAN est liée à un enseignement, à une école, celle qu’il a fondée, à des innovations pratiques dans la formation des analystes. LACAN se situe presque toujours dors des limites existantes : celles des institutions, celles du langage en cours, celle du savoir transmis. Cette situation marginale se retrouve dans toute la carrière de LACAN, qui tient son succès en partie de ses exclusions. C’est là le revers nécessaire de toute déviance, et son caractère à la fois exaltant et décevant : la peste et le vaccin. Les critiques violentes et l’idolâtrie entourent également LACAN comme elles ont entouré FREUD. Comme lui, il a subi des déboires professionnels qui l’ont ensuite confirmé. Exclu de la Société française de psychanalyse, il fonde en 1966 sa propre école et tient depuis plus longtemps encore un séminaire où un auditoire de plusieurs centaines de personnes écoute ce qu’il dit : un discours totalement libre, où la contrainte des mots semble avoir disparu, où l’association est toujours soutenu par la logique de la théorie. Cet enseignement original est à l’origine de la diffusion de LACAN en dehors des milieux médicaux. Progressivement, au public de psychiatres en formation analytique est venu s’ajouter un large public étudiant, progressivement l’enseignement de LACAN double l’université : en jouant sur ce mot, car doubler veut dire à la fois trahir et redoubler. La passionnante parole de LACAN comme celle de FREUD est diffusée et diffuse. Sa portée limitée comme celle de toute intervention de langage, est cependant importante dans son domaine : innovation à la fois poétique et scientifique. Poétique dans la pratique enseignante et le style, scientifique dans la pratique logique et démonstrative. Ce double aspect, poétique et scientifique, est inséparable de l’actuelle modalité d’existence de la psychanalyse dans notre système culturel. Déjà prégnant dans la pensée et l’écriture de FREUD, il se poursuit avec LACAN et témoigne d’une mutation dans les pratiques du langage qui, bien au‑délà) de la seule psychanalyse, touche toutes les formes d’expression et de transmission des signes. On peut placer l’ensemble des théories lacaniennes sous le signe de deux énoncés, tous les deux portant sur la notion d’inconscient, et sur ses rapports avec le langage et la notion de Sujet. Les voici : l’inconscient est structuré comme un langage et l’inconscient du Sujet est le discours de l’autre.

Les fonctions du langage, nous l’avons vu, avec la découverte l’hystérie, prouvent l’existence de l’inconscient qui produit ces effets psychosomatiques et symptomatiques. L’intervention de LACAN consiste à mettre en rapport les formes de langage spécifiques mises au jour par FREUD, et les formes repérées d’une part par la linguistique, d’autre part par cette très ancienne discipline de langage qu’est la rhétorique. La linguistique produit la notion de signifiait, la rhétorique la notion de lettre. L’une comme l’autre sont prises dans des réseaux de corrélations : des structures propres, qui permettent de penser qu’il y a de la structure dans l’inconscient. C’est à SAUSSURE que LACAN emprunte pour le modifier profondément, la formule du signe de langage : rapport entre signifiant et signifié, entre la partie visible, sensible, matérielle du signe et la partie absente, désignée, allusive. SAUSSURE écrit ce rapport :

S

_

s

Le S majuscule désignant le signifiant, le s minuscule le signifié. Pour LACAN, cette formule correspond à la formule du refoulement : la barre qui sépare ces deux parties du signe comme une représentation de la barrière du refoulement. Le signifié est donc du côté du refoulé, toujours absent, manquant à l’appel, et désigné par le signifiant, qui est structuration du langage. Le signifiant a une réalité matérielle, dans son graphisme, dont nous avons vu, avec les exemples décrits par Mélanie KLEIN, l’impact et l’efficacité. LACAN appelle Lettre cette structure essentiellement localisée du signifiant (tiré de « L’Instance de la lettre dans l’inconscient », Ecrits). C’est un nom qui n’a rien de surprenant : l’inconscient est en effet à prendre à la lettre. Ainsi pris dans ses détours, il montre des enchaînements, des liens de terme à terme qui sont la structure du langage. Pour LACAN, elle a deux propriétés « se réduire à des éléments différentiels derniers » et se « composer selon les lois d’un ordre fermé ». LACAN prend des exemples. Souvent, au lieu de prendre des exemples dits cliniques, il s’appuie sur des exemples poétiques et utilise HUGO, par exemple. Ainsi le mot « arbre » décomposé en consonnes et voyelles, il se lie : à robre (côté consonnes), à « platane » (côté voyelles). Composé symboliquement, il se lie à l’arbre de la croix (« sur une butte sans frondaison », le GOLGOTHA), à l’arbre généalogique. Composé scientifiquement, il se lie : à l’arbre circulatoire, à l’arbre du cervelet, etc. Le texte de LACAN est un exemple de la façon dont les mots travaillent : le signifiant circule de consonnes en voyelles, de symboles en actions.

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ARBRE

Voyelles

PLATANE

A.E.

LETTRES

Consonnes

ROBRE

R.B.

Y

SYMBOLES

Arbre de la croix

Arbre circulatoire

ANATOMIE

ARBRE

Cervelet

Poésie

« tête superbe »

Saturne

CHIMIE

Foudre

Diane

« herbe »

Arborer

« TRIVIAL »

Grimper à l’arbre

L’Instance de la lettre dans l’inconscient

« Décomposé dans le double spectre de ses voyelles et de ses consonnes, il appelle avec le robre et le platane les significations dont il se charge sous notre flore de force et de majesté. Drainant tous les contextes symboliques où il est pris dans l’hébreu de la Bible, il dresse sur une butte sans frondaison l’ombre de la croix. Puis se réduit à l’Y majuscule du signe de la dichotomie qui, sans l’image historiant l’armorial, ne devrait rien à l’arbre, tout généalogique qu’il se dise. Arbre circulatoire, arbre de vie du cervelet, arbre de Saturne ou de Diane, cristaux précipités en un arbre conducteur de la foudre, est‑ce votre figure qui trace notre destin dans l’écaille passée au feu de la tortue, ou votre éclair qui fait surgir d’une innombrable nuit cette lente mutation de l’être dans le grand tout du langage : « Non ! dit l’Arbre, il dit : non ! dans l’étincellement de sa têt superbe », vers que nous tenons pour aussi légitimes à être entendus dans les harmoniques de l’arbre que leur revers : « Que la tempête traite universellement / Comme elle fait une herbe… » … Il me suffit en effet de planter mon arbre dans la locution « grimper à l’arbre » voire de projeter sur lui l’éclairage narquois qu’un contexte de description donne au mot : « arborer » pour ne pas me laisser emprisonner dans un quelconque communiqué des faits, si officiel soit‑il et, si je sais la vérité, la faire entendre malgré toutes les censures entre les lignes par le seul signifiant que peuvent constituer mes acrobaties à travers les branches de l’arbre, provocantes jusqu’au burlesque ou seulement sensibles à un œil exercé, selon que je veux être entendu de la foule ou de quelques‑uns »

Ce sont là métaphores, a‑t‑on pu dire. Or précisément, LACAN constate que deux grandes formes rhétoriques, la métaphore et la métonymie, sont superposables aux grandes lois du rêve décrites par FREUD : condensation, comme la métaphore, prend un mot pour un autre. IRMA pour la femme de FREUD, le saumon pour la caviar, l’arbre pour la majesté qu’il désigne. De même, le déplacement comme la métonymie, renvoie à une absence qui toujours se diffère : l’exemple rhétorique de la métonymie – trente voiles, pour trente bateaux, consiste à prendre la partie (voiles pour le tout (bateaux) et procède du même fonctionnement que le déplacement, par exemple de la culpabilité de FREUD sur OTTO, du désir de la bouchère hystérique sur son amie grassouillette, c’est un mot à mot, une chaîne de mots. Mais LACAN ayant d’abord superposé les mécanismes du rêve et de la rhétorique, montre que le fonctionnement entier de l’inconscient peut se décrire avec les mots qui décrivent aussi le langage : ainsi, le symptôme est une métaphore (le faux pas de DORA, sa grossesse transformée en appendicite réelle) comme le désir est une métonymie (désir de DORA se déplaçant de partie en partie, de M. K… à Mme K…). Pour employer d’autres mots, le symptôme, c’est‑à‑dire tout dérangement dans un ordre donné, établit une corrélation entre deux niveaux du système culturel : corps et langage, à condition de comprendre que le corps est un lieu sur lequel s’inscrivent les marques de la culture : habillement, mutilations rituelles, insertions de bijoux (chez nous, à travers les oreilles, ailleurs, dans le nez ou les lèvres) et cicatrices de toutes sortes. Quant au désir, il établit aussi une corrélation entre une partie qu’il désigne et un tout absent, qui ne pourra jamais satisfaire ce désir : la soif apaisée, s’il s’agit d’un désir, comble le besoin organique mais pas le désir de boire. L’inconscient est donc structuré comme un langage, c’est‑à‑dire qu’il procède par enchaînements rigoureux d’éléments, séparés entre eux par des blancs qui ont autant d’importance que les pleins des mots. Le psychanalyste écoute tout, selon la loi fondamentale qui délie le discours de ses contraintes sociales.

«  Aussi bien le psychanalyste sait‑il mieux que personne que la question est d’entendre à quelle partie de ce discours est confié le terme significatif, et c’est bien ainsi qu’il opère dans le meilleur cas : prenant le récit d’une histoire quotidienne pour un apologue à qui bon entendeur adresse son salut, une longue prosopopée pour une interjection directe, ou au contraire un simple lapsus pour une déclaration fort complexe, voire le soupir d’un silence pour tout le développement lyrique auquel il supplée. » (Fonction et Champ de la parole et du langage en psychanalyse, Ecrits).

L’interruption du discours qu’elle soit le fait du patient en analyse, ou le fait de l’analyste quand il interprète ou quand il arrête la séance, c’est une ponctuation : voilà encore un terme grammatical qui vient lire le vocabulaire de la psychanalyse. Les effets du langage sont scandés par la ponctuation, qui, maniée par le psychanalyste, devient un instrument essentiel pour l’articulation du transfert : relation liée au temps et à son maniement, dit LACAN. Toute la cure consiste dans une mise à nu du langage par le support temporel qui en constitue la structure : de signifiant en signifiant, dans les intervalles qui ponctuent tout récit, et toute association de mots, une structure de langage devient insistante : c’est le discours de l’Autre, position complémentaire de l’inconscient.

Une simple corrélation entre les deux énoncés que nous avons posé au principe des développements théories lacaniens montre que l’inconscient est à la fois structure et discours ce qui en effet se redouble puisque tout discours est structuré. Mais on voit aussi que cette structure renvoie à l’altérité : discours de l’autre. Qui est l’autre. Personne ; ou, pour être plus précis, pas une personne, mais un lieu, organisé en réseau : la structure du Sujet. Par Sujet, on entendra le support individuel du langage. Ce terme vient à la place de Individu, mais ne s’oppose ni à la masse ni au groupe. Un Sujet, c’est un élément d’une série, un point dans une chaîne, tout comme par ailleurs, c’est un représentant d’une souveraineté politique. Le terme de Sujet doit toujours être lié dans la problématique lacanienne à la représentation, entendue comme délégation de pouvoirs. C’est sur cette structure du Sujet que LACAN a en fait le plus innové par rapport à FREUD. Très tôt, en 1936, LACAN observe un fait d’expérience qu’il consigne sous le nom de stade du miroir, autour duquel vont s’articuler les axes freudiens : complexe d’Œdipe, conception de la culture, fantasme, place de la mort, mais redistribués à la lumière de l’anthropologie. Le stade du miroir est une observation courante, que l’on peut faire dans l’enfance, lorsque le petit d’homme a entre six et dix‑huit mois qu’il ne parle pas encore (infans, celui qui ne parle pas). A cette époque, il lui arrive un événement décisif : il se reconnaît dans une glace, n’en fait pas le tour comme le chimpanzé ou lui‑même auparavant, pour voir qui se cache derrière le miroir, mais identifie l’image comme étant la sienne propre. Ne parlant pas, il manifeste qu’il a compris par une jubilation hors de l’ordinaire, des rires et des mimiques. Parfois, il se retourne vers la grande personne (la bien‑nommée) qui le tient ou se tient à ses côtés. A ce moment se noue son identité de Sujet, inexistante auparavant, sauf pour l’état civil. Car avant cette étape, l’enfant est lié au corps de sa mère, non plus physiquement puisque la naissance l’en a séparé mais dans l’imaginaire. Le monde est un grand corps géant, qui se morcelle de plus en plus. Pour que le progrès culturel puisse s’accomplir, pour que le langage puisse s’actualiser et s’apprendre, il faut que l’enfant ait une imago. L’imago, image complète du corps dans son intégrité, n’est pas le propre de l’homme : les animaux disposent d’imagos, comme les expériences de leurre le montrent de façon fort démonstrative. Ainsi les pigeonnes ovulent‑elles à la seule vue d’une forme de pigeon, leurre stimulant pour l’organisme et sa sexualité. Ainsi les petits des mouettes prennent‑ils pour leur mère un simple bâton à bout rouge qui vient leurrer par le rouge, rouge comme la tache du bec de la mouette adulte. L’imago rend possible le leurre. Pour les hommes, l’équivalent sera le travesti. Si donc l’imago existe chez les animaux, qu’est‑ce donc qui rend si important la première aperception de l’imago chez l’homme ? C’est que l’homme est, biologiquement, le seul être inachevé : cette prématuration spécifique est pour LACAN la cause latente de la culture, que le langage va développer, et que le stade du miroir inaugure. En se reconnaissant dans le miroir, alors qu’il ne parle pas encore, l’enfant reconnaît par anticipation l’image achevée de ce qu’il sera une fois adulte : un Sujet parlant, comme celui qui le tient, là, devant le miroir.

« Ce développement est vécu comme une dialectique temporelle qui décisivement projette en histoire la formation de l’Individu : le stade du miroir est un drame dont la poussée interne se précipite de l’insuffisance à l’anticipation – et qui pour le Sujet, pris au leurre de l’identification spatiale, machine les fantasmes qui se succèdent d’une image morcelé du corps à une forme que nous appellerons orthopédique de sa totalité – et à l’armure enfin assumée d’une identité aliénante, qui va marquer de sa structure rigide tout son développement mental. » (« Le stade du miroir », Ecrits)

Quelques précisions : drame au sens grec de action, contrairement à l’apparence figée que peut prendre une image dans le miroir ; de l’insuffisance, c’est celle de l’organisme humain, dont le névraxe n’est pas achevé quand il naît, à l’anticipation, c’est celle de l’identité aliénante de l’âge adulte, fixé sur un état défini. Identification spatiale désigne la reconnaissance de l’imago humaine, orthopédique c’est‑à‑dire rectificatrice, l’image entière succède à l’image en morceaux ; le sein de la mère, un bout de doigt, un fragment de visage. Enfin, la dialectique temporelle joue sur le rapport entre un présent incomplet et un futur complet : de l’insuffisance à l’anticipation. Le stade du miroir est bien cette matrice symbolique où le Je se précipite en une forme primordiale avant qu’il ne s’objective dans la dialectique de l’identification à l’autre et que le langage ne lui restitue dans l’universel sa fonction de Sujet. Le stade du miroire permet de répartir les trois instances qui composent la structure du Sujet, et qui, retravaillées par LACAN, correspondent aux trois instances de la seconde topique de FREUD (Ça, Moi, Surmoi). Symbolique, imaginaire, réel, sont les axes qui commandent le Sujet.

Nous l’avons déjà rencontré en montrant le principe de l’efficacité symbolique/ le symbolique, c’est l’ordre du langage, et, plus radicalement, l’Ordre lui‑même. C’est exactement la définition de la culture dans l’anthropologie structurale de Claude LEVI‑STRAUSS.

« Toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales… » (Introduction à Sociologie et Anthropologie de Marcel MAUSS.)

Il préexiste au Sujet, qui dès avant de naître possède un nom propre, non de famille par où le symbolique déjà a prise sur lui. C’est en quoi le symbolique rejoint la paternité, où LACAN voit à juste titre le déterminant essentiel dans notre culture. Le nom du père (qui peut également s’étendre au sens religieux) est cette cause culturelle. Et c’est pourquoi le symbolique vient prendre dans la topique lacanienne la place du Surmoi. Mais c’est un Surmoi qui n’a plus rien d’une figure terrible : celle‑ci n’est que le résultat figuratif et secondaire de la cause symbolique d’un ordre préexistant à tout Individu : les cadres sociaux dans lesquels il va aterrir et se trouver éduqué. Le père, qui transmet aux enfants la culture par son nopm et par les fonctions qui lui sont attachées, détient aussi une autre place : celle de la moirt. Car, dit LACAN en retourvant FREUD dans le mythe, il n’a de père que de père mort. Enoncé difficile à soutenir si on ne se souvient pas du meurtre du père de la horde, et du toémisme qui y fait suite : la mort du père assure la transmission familiale. De plus, la mort est au cœur même de la fonction symbolique : car entre le mot et la chose qu’il désigne, se tient une absence, comme dans la forme métonymique du désir (différée) que les hommes institutionnalissent sous la forme des tombeaux. Le premier symbole où nous reconnaissons l’humanité dans ses vestiges est la sépulture, et le truchement de la mort se reconnaît en toute relation où l’homme vient à la vie de son histoire. on ne peut ni naitre ni mourir sans langage : c’est là la vérité de la fonction symbolique.

Si même le mot, dans son histoire, relève directement de l’illusion, de la mobilité des images, il perd dans cette formulation lacanienne sa confusion. Si le symbolique est l’ordre : variantes particulières qui sont le propre de chaque individualité et qui constitue le support de la personnalité, en tant qu’elle ne peut, pour chacun de nous, se confondre avec aucune autre. L’imaginaire est donc nécessairement constitué à partir de l’histoire individuelle de chacun : l’histoire familiale, faite de récits entendus très tôt, concernant les aïeux lointains ou proches ; les circonstances biographiques de la petite enfance, les menus événements qui actualisent pour chacun son devenir dans la culture qui l’élève ; la façon dont la mère s’y est prise pour les soins de l’enfance, en bref, tout ce qui individualise une condition culturelle d’ensemble. Isoler l’imaginaire, le couper de la fonction symbolique et des clivages sociaux qui la déterminent, c’est impossible, tout comme il serait impossible de séparer les vêtements du corps pour lequel ils ont été taillés. Le texte qui suit expose l’intrication de l’imaginaire et du symbolique, définissant en même temps le rapport entre culture du groupe et culture d’un Individu, entendu comme élément de groupe.

« L’inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c’est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée ; le plus souvent déjà elle est écrite ailleurs. A savoir :

-                          dans les monuments : et ceci est mon corps, c’est‑à‑dire le noyau hystérique de la névrose où le symptôme hystérique montre la structure d’un langage et se déchiffre comme une inscription sans perte grave être détruite

-                          dans les documents d’archives aussi : et ce sont les souvenirs de mon enfance, impénétrables aussi bien qu’eux, quand je n’en connais pas la provenance

-                          dans l’évolution sémantique : et ceci répond au stock et aux acceptations du vocabulaire qui m’est particulier, comme au style de ma vie et à mon caractère

-                          dans les traditions aussi, voire dans les légendes qui sous une forme héroïsée véhiculent mon histoire

-                          dans les traces, enfin, nécessitées par le raccord du chapitre adultéré dans les chapitres qui l’encadrent, et dans mon exégèse rétablira le sens. » (Fonction et champ de la parole et du langage, Ecrits)

Car c’est bien à la culture que renvoient les registres d’inscription de la vérité, c’est‑à‑dire du refoulé dans mon histoire : registres variés, monuments, documents, lexiques, recueils de légendes, qui forment comme autant de livres de fiction qui tous recueillent la vie des hommes. L’imaginaire définit pour chacun le matériau de son histoire propre : on voit donc comment l’imaginaire est le tissu même de la méconnaissance. Ce statut de l’illusion commence avec le stade du miroir : là, le Sujet trouve dans un cadre où se matérialise l’ordre du langage, encore virtuel, son image, à la fois imaginaire puisque c’est la sienne propre, définie par sa situation dans le monde, et symbolique puisqu’elle est en rapport avec l’émergence du langage sans laquelle l’homme est hors du monde. Car si le stade du miroir n’a pas lieu, si l’enfant ne se reconnaît pas avec ravissement, c’est là un signe inquiétant : l’enfant psychotique demeure fasciné par l’image dans le miroir, mais le dédoublement de l’illusion ne se fait pas, et le réel n’est pas à sa place entre le Sujet et l’image reflétée. On voit comment se retrouvent et se transforment les instances de la seconde topique freudienne : l’imaginaire, illusion nécessaire correspond à la fonction de protection et d’équilibre investie dans le Moi. Le symbolique correspond à la fonction culturelle et idéologique contenue dans le Surmoi. Mais LACAN répartit ces instances dans une spatialisation et un schéma différents : la structure à quatre termes inclut le Sujet, barré par le clivage conscient‑inconscient, comme quatrième point de la triangulation oedipienne, qui se retrouve en A, grand Autre, place du père et de l’ancrage symbolique, en a’, place de l’imaginaire, de l’infans du miroir, et de l’idéal du Moi, image que le Moi se fait de lui‑même ; enfin en a, place de l’Objet du désir, lieu maternel, point d’émergence du Ça dans la topique freudienne.

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LA STRUCTURE DU SUJET

          S

a

Objet  a Mère Signifiant de l’Objet primordial

         a‘

A

Idéal du Moi imaginaire « infans » (Moi)

                                               Autre Père‑Nom‑du‑Père Symbolique

Le Sujet, dans ce schéma, tient, dit LACAN, la place du mort dans le jeu à quatre du bridge : inclus dans le système mais exclu du jeu. Le Sujet en effet n’est jamais pensé par LACAN autrement que comme un instrument, un passage pour le langage et le jeu entre réel, imaginaire et symbolique ; cela ne veut pas dire que le Sujet disparaît, contre‑sens souvent entendu ; mais bien plutôt qu’il est dépossédé d’une illusoire autonomie, héritée de la tradition du cogito cartésien, et de la toute‑puissance du penseur sur l’univers qui l’entoure. En accentuant le caractère instrumental du Sujet, en accumulant les preuves et descriptions rigoureuses de ce qui de toutes parts le détermine, LACAN est dans le droit fil de la pensée de FREUD et de la troisième révolution, blessure narcissique infligée à l’humanité, celle du déterminisme de l’inconscient. De ce point de vue, LACAN est fidèle à l’idéologie freudienne : l’une des définitions de la psychanalyse comme pratique thérapeutique, c’est l’exhaustion de toutes les formes d’impossibilité pour le Sujet : le tour du propriétaire des limites de la subjectivité. Quand il introduit le terme de vérité pour désigner les effets de l’inconscient, quand il trouve des accents sublimes et héroïques pour la faire parler selon le mode ancien de la prosopopée (figure qui fait parler une chose personnifiée), LACAN développe le tragique profondément inscrit dans FREUD. Dans HEGEL et dans le romantisme du 19ème siècle, par contre, quand il formalise le fantasme, quand il élabore une logique de l’inconscient, quand il utilise la linguistique pour en montrer que le fonctionnement est le même que celui de la logique des rêves, LACAN développe une direction nouvelle dans la psychanalyse, proche de l’épistémologie, de la logique, d’une anthropologie inédite. Cette ambiguïté du poétique et du scientifique se retrouve dans la conception que LACAN expose de la notion de réel.

C’est ce qui commande la méconnaissance, et c’est ce qui en même temps n’est pas assignable dans le discours psychanalytique, qui, pour sa part, est un travail d’illusionniste, dit fort justement LACAN. Le réel est en dehors de l’illusion, en dehors du jeu de miroir : hors jeu. Il est toujours déjà là, l’ensemble de la structuration imaginaire n’étant qu’un résultat de son action, toujours précédente. Comme causalité psychique, le réel est l’analogue de la pulsion chez FREUD : une cause motrice, impossible pour le Sujet, dans la mesure où un effet ne peut avoir de rapport de maîtrise avec sa propre cause. L’intrication entre symbolique et imaginaire forme un écran entre le Sujet et le réel ; cet écran, que nous avons déjà désigné comme la méconnaissance, dans la pensée freudienne comme dans la démarche lacanienne, n’indique nullement une vague et fugitive fantaisie rêvée, ainsi une structure fixe, où le Sujet est en, rapport avec l’Objet de son désir dans une mise en scène invariable. Ainsi le fantasme analysé par FREUD on bat un enfant implique une même action répétée indéfiniment avec des variables permutant autour de l’acte de battre. Cet écran fantasmatique protège l’Individu contre le réel : lorsqu’il est par accident aboli, le réel surgit brusquement dans le vécu du Sujet, et c’est l’hallucination, le délire du double, l’acte incontrôlé, toutes modalités d’illusions dangereuses dans lesquelles le réel est comme aboli. La coupure normale entre le réel et imaginaire a disparu, le réel a tout envahi : comme le dit LACAN dans une expression parfaitement juste : le réel cause tout seul. Il parle tout seul, et il est cause de toute effet. Cependant, bien qu’il soit en dehors de toute symbolisation, et qu’il se situe en marge du langage, il produit un effet particulier, sur lequel LACAN insiste : c’est l’Objet du désir, dans la mesure où il est, comme le réel, inaccessible, lieu d’un manque qui ne saurait être comblé sans faire disparaître le désir, et, avec lui, la vie même. L’Objet, dans la problématique freudienne, est indéterminé : il peut se fixer sur telle ou telle partie du corps, errant de bouche en sexe, de phase orale en phase génitale. Le meilleur exemple qu’on en puisse donner est celui du fétichisme. Le désir se porte sur un Objet attenant au corps, ou sur une partie de ce corps mais prise isolément ; vêtement, bottine, linge, morceau touchant le corps, mais qui, détaché de lui, suscite l’excitation sexuelle au même titre que le stimulant normal. Nous avons vu avec Mélanie KLEIN que les Objets pour l’enfant, étaient tous équivalents. LACAN pour situer le caractère nécessairement partiel et détaché appelle Objet a l’Objet du désir, forgeant avec les mots les plus neutres du langage une expression d’autant plus chargée. Car les figures qu’il donne en exemples pour faire comprendre ce qu’est l’Objet a mettent en évidence le rapport du désir à cette cause d’autant plus efficace qu’elle est absente. C’est le petit morceau qui manque au corps d’OSIRIS dépecé par son frère, bout de phallus que ne trouvera jamais ISIS en le cherchant le long du Nil. C’est le sein maternel pour l’enfant sevré, Objet perdu remplacé par un bout de lange que l’enfant traîne avec lui. c’est la chair prélevée dans les cérémonies initiatiques, c’est aussi l’enfant tombé du corps de la mère, petit bout d’homme chu et déchu. L’Objet a est du côté du déchet, qui au contraire de ses acceptions conscientes, attire et stimule : l’excrément bien sûr, mais aussi la voix, tombent du corps et séduisent. L’Objet a, situé en a dans la graphe du Sujet, est bien la place pour l’Individu de la mère perdue : entre imaginaire et symbolique, texture illusoire, et réel, dont il est un effet à peine esquissé, informe. L’Objet a introduit dans la structure du Sujet une altérité à jamais incomplète que l’Individu par le moyen de la psychanalyse peut seulement reconnaître.

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