CRPE HISTOIRE VDS95 HUGUES CAPET
Hugues CAPET « ou à la Chape » : né en 941, duc des
Francs : 960 - 987
règne : 03/07/987 – 24/10/996
Chef de la troisième dynastie qui a donné
trente-deux rois à la France, Hugues Capet était le plus puissant seigneur du
royaume lorsque, la couronne lui ayant été déférée dans une assemblée tenue à
Noyon, il fut sacré par Adalberon, archevêque de Reims, le 3 juillet 987. Cette
assemblée ne devait pas être nombreuse : depuis le triomphe de la
féodalité, il ne pouvait plus y avoir d'assemblées de la nation, puisque les
hommes libres étaient peu à peu tombés en servitude, et que les nobles
relevaient, pour leurs fiefs, de quelques grands propriétaires qui seuls
exerçaient le pouvoir politique et qu'on désignait par le titre de vassaux de
la couronne. Le nombre des grands vassaux n'allait pas alors au delà de huit, à
savoir : le duc de Gascogne, le duc d'Aquitaine, le comte de Toulouse, le duc de
France, le comte de Flandre, le duc de Bourgogne, le comte de Champagne et le
duc de Normandie,
duquel la Bretagne relevait encore à cette époque. Tels étaient les
seigneurs qui avaient un intérêt réel au choix du monarque, parce que seuls ils
traitaient directement avec lui : les autres Français n'étaient plus les
sujets du roi, mais les hommes des grands vassaux, et s'inquiétaient fort peu à
qui serait offerte une royauté qui ne s'étendait plus jusqu'à eux. On voulait
un roi complice du morcellement de la France en plusieurs souverainetés à peu
près indépendantes, afin que, n'ayant aucun prétexte pour essayer de revenir
sur le passé, il ne songeât qu'à maintenir ce que le temps avait consacré.
Hugues Capet, qui comptait déjà parmi ses aïeux deux rois élus par le suffrage
des grands, qui possédait le duché de France et disposait par son frère du
duché de Bourgogne, fut préféré dans l'assemblée de Noyon, où se trouvaient
aussi les chefs du clergé, non comme le plus capable de rendre au trône son
éclat, mais comme entièrement désintéressé dans le rétablissement de la
monarchie telle qu'elle était sous Clovis et sous Charlemagne. C'est ainsi que
souvent les princes libres de l'empire, auxquels les grands vassaux de France
ressemblaient en tous points, choisissaient pour empereur celui qui, par sa
position et ses intérêts, ne leur laissait appréhender aucune tentative contre
leur indépendance. Il ne tenta rien, n'établit rien, ne porta aucune loi ;
son plus grand mérite est d'avoir senti qu'une extrême modération de sa part
pouvait seule accoutumer les
grands à voir la royauté se perpétuer dans sa famille. Six mois après son
couronnement, il obtint en effet la permission d'associer au trône son fils
unique Robert, qui fut sacré à Orléans le 1er janvier 988. Ce
prince donna à son père quelques légers regrets de s'être tant pressé ;
mais si Hugues Capet eût attendu plus tard, peut-être n'aurait-il pas trouvé
les seigneurs dans des dispositions aussi favorables, car Charles de Lorraine
était entré en France à la tête d'une armée, pour soutenir les droits qu'il
prétendait avoir à la couronne. Le duc de Guyenne combattait pour lui ;
plusieurs évêques soutenaient sa cause, et le comte de Champagne menaçait pour
se faire acheter. Hugues Capet n'était pas puissant parce qu'il était roi, mais
parce qu'il avait fortifié le trône par ses immenses domaines, qu'il pouvait
compter sur le duché de Bourgogne que possédait son frère, et que ses alliances avec plusieurs
autres grands vassaux lui garantissaient leur secours. Il battit le duc de
Guyenne et fut battu à son tour par Charles, qui, après lui avoir enlevé de
vive force la ville de Laon, seul véritable domaine
de la couronne, s'empara par surprise de la ville de Reims. Un jeune homme
nommé Arnoul, neveu de Charles, fils naturel du roi Lothaire, et par conséquent
de la famille carolingienne, joua un grand rôle dans la prise de Laon et de
Reims : il trahit Charles pour être fait archevêque de Reims par Hugues
Capet, et trahit ensuite Hugues Capet en faveur de Charles, qu'il voyait
vainqueur. Un archevêché donnait à cette époque une souveraineté réelle sur une
grande étendue de pays ; et, comme le pape intervenait en sa qualité de
chef de l'Eglise, dans l'élection et la déposition des évêques, il se trouvait
arbitre du gouvernement féodal pour ce qui concernait les fiefs
ecclésiastiques ; tout s'accordait alors pour restreindre le pouvoir des
rois. En rentrant en vainqueur dans la ville de Laon, Hugues Capet fit
prisonniers Charles et l'archevêque Arnoul ; il les fit conduire à
Orléans, où le premier mourut deux ans après : ce n'était qu'un prince
souverain ; il ne trouva personne pour le protéger ; mais le second
était un prélat, on ne pouvait disposer de son sort sans le consentement des
évêques. Il fallut assembler un concile, qui ne prononça la déposition du
coupable qu'à condition qu'il ne perdrait pas la vie, restriction d'autant plus
désagréable à Hugues Capet qu'Arnoul était de la famille de Charlemagne. Le
pape trouva mauvais qu'un archevêque eût été condamné sans l'aveu de la cour de
Rome. Cette affaire devint si considérable qu'elle occupa le reste du règne de
ce monarque, qui mourut de la variole sans la voir terminée, le 24 octobre
996, la dixième année de son règne. Ce prince, dont l'autorité n'était point
supérieure à celle des grands vassaux, dont il avait été l'égal, sut tirer de
ses forces tout le parti que lui permirent les circonstances : les
alliances qu'il contracta ne laissent aucun doute sur la connaissance profonde
qu'il avait des intérêts de l'Europe ; il fixa son séjour à Paris et fit
de son palais une église (c'était celle de Saint-Barthélemy, dans la cité). Il
fit fortifier, contre les irruptions des Danois et des Normands, une métairie
qu'il avait comme abbé de Saint-Riquier (Abbatis villa), et qui le
rendait maître du cours de la Somme : telle fut l'origine d'Abbeville. Hugues
Capet joignit au courage l'art de ménager les esprits, et se fit, par son zèle
pour la religion, des amis assez sincères
parmi les évêques pour qu'ils ne balançassent pas à se commettre avec le pape
dans la déposition d'Arnoul. Blessé de voir les biens de l'Église envahis par
les hommes de guerre, il renonça aux riches abbayes qu'il possédait par
héritage comme duc de France ; et, dans l'impossibilité où il était de
donner une loi à cet égard, il offrit au moins aux seigneurs un bel exemple à
suivre. Plusieurs de ses successeurs l'ont imité en établissant dans leurs
domaines des usages si favorables à l'ordre qu'ils s'étendirent ensuite sur
toute la France. Les actions des rois suppléaient ainsi à leur autorité, et
préparaient le retour de leur puissance en fixant tous les regards sur le
trône. Hugues Capet était si peu maître hors de ses domaines, qu'ayant voulu
empêcher Audebert, comte de la Marche, de poursuivre une guerre injuste, le
gentilhomme qu'il lui députa, piqué de la résistance qu'il trouvait, s'emporta
jusqu'à lui demander qui l'avait fait comte : « Ce sont, répondit
Audebert, ceux-là mêmes qui ont fait rois Hugues et son fils
Robert » ; et il continua son entreprise, sûr que l'intérêt de tous
les seigneurs justifierait sa réponse ; il ne se trompa point. La couronne,
qui avait été élective sous la seconde dynastie, parce qu'elle s'était unie,
dans la personne de Pépin, la mairie du palais, qui ne s'obtenait que par le
suffrage des grands, redevint héréditaire sous la troisième dynastie, parce
qu'elle se confondit dans la personne de Hugues Capet avec les grands fiefs
qu'il possédait, et que les fiefs alors étaient incontestablement héréditaires.
On peut même assurer qu'il ne fut élu que pour consacrer l'usurpation des
fiefs, déjà sanctionnée par une longue possession ; et l'on ne peut
s'empêcher d'admirer par quels secrets ressorts, d'une mesure prise contre le
pouvoir des rois, sortirent avec le temps l'hérédité et l'individualité de la
couronne, les deux bases fondamentales de toute véritable monarchie. On croit que Hugues
avait épousé Blanche, veuve de Louis le Fainéant, dont il n'eut point
d'enfants. De sa deuxième femme, Adélaïde, fille du duc de Guyenne, il eut un
fils, Robert, qui régna seul après lui, et trois filles, Adwige, Adélaïde et
Gisèle.