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20 février 2007

Un souffle de démocratie participative...

MANAGEMENT  CHRONIQUE

      
Les vieilles recettes du participatif


    AVEC l'élection présidentielle, la démocratie participative semble faire irruption dans la vie publique. A vrai dire, l'Etat s'efforce depuis longtemps d'accroître la participation des citoyens aux projets publics. Ces démarches traduisent l'influence des doctrines de management participatif, mais leur articulation aux logiques de la décision politique est encore en chantier. En témoigne l'étude des projets urbains où la logique participative est ancienne (lire les contributions réunies par Thérèse Evette et Jean-Jacques Terrin dans Cahiers Ramau no 4, " Projets urbains. Expertises, concertation et conception ", Editions de la Villette 2006).

Au XIXe siècle, la participation ouvrière ne s'envisage que par le contrôle collectif des moyens de production ou l'association coopérative. C'est vers 1930 que s'élabore outre-Atlantique une vision plus limitée du participatif, qui porte sur le contenu du travail, et non sur le pouvoir de direction. C'est un effet inattendu du taylorisme. Car, avec l'arrivée d'experts du travail (ingénieurs, organisateurs), la participation des salariés est perçue comme une contribution au savoir collectif et non plus comme un compromis d'intérêts avec le patron. Reste que le mouvement ne s'étend qu'à la fin des années 1970, avec la diffusion des " cercles de qualité " à la japonaise, où les ouvriers discutent des défauts de la production et des progrès possibles.

Avec la mondialisation, les firmes doivent engager des modernisations risquées (nouveaux procédés, informatisation des systèmes de gestion...) et la participation change d'horizon. Il faut accompagner le développement et l'appropriation de nouveaux outils ou de nouvelles organisations. Les salariés sont invités à aider à concevoir les solutions futures pour mieux les mettre en oeuvre. Surtout, la démarche implique une relativisation nouvelle des experts et des responsables, qui, certes, engagent le changement, mais ne sont plus les seuls à peser sur son contenu. C'est cette logique que l'on retrouve dans l'actuelle réglementation de la concertation et du débat publics. Mais la participation des citoyens aux projets publics se révèle plus complexe et plus exposée que dans l'entreprise.

Car les citoyens concernés ne sont pas toujours identifiés, leurs compétences et leur représentativité sont inconnues et le processus est particulièrement fragmenté. Sur l'exemple d'un projet d'autoroute à Marseille figurant dans " Projets urbains ", l'auteur, Jean-Louis Parisis, montre que l'appareil technico-réglementaire segmente le projet en décisions successives donnant le sentiment aux usagers de n'intervenir que lorsque l'essentiel est fait. Ensuite viennent les difficultés à identifier et mobiliser des usagers capables de s'exprimer avec légitimité sur le projet. La démarche participative devient alors une démarche d'animation et de pédagogie qui doit susciter des partenaires et leur permettre de devenir compétents sur le projet. Ainsi, la consultation légale en mairie a dû être remplacée par un ensemble d'actions de communication (revue, studio de télévision, animations dans des centres commerciaux...). Mais, malgré le succès de la démarche, le projet a poursuivi une marche normale : changement de priorités politiques, modification des financements, etc. Pour des salariés d'entreprise, ces fluctuations font partie du métier. Chez les usagers les plus impliqués, elles provoquent un sentiment d'abandon.

Ainsi, l'enjeu véritable de la démocratie participative n'est-il pas dans un rejet de l'expertise. Il réside plutôt dans deux défis difficiles et paradoxaux : conduire l'action publique participative autant comme projet d'éducation que de concertation et protéger au mieux la démarche participative contre les tourmentes de la décision politico-démocratique.

ARMAND HATCHUEL

Armand Hatchuel est professeur à l'Ecole des mines de Paris

                     

© Le Monde

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