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24 février 2007

Médiatrice : " Etes-vous, comme nous, inondés de messages disant : "Arrêtez de tacler Ségolène !"

            

L'alerte est venue du club des médiateurs, ce groupe informel qui réunit les douze ombudsmans français. " Etes-vous, comme nous, inondés de messages disant : "Arrêtez de tacler Ségolène !" ", demandait un confrère, doublement inquiet. Il constatait, d'une part, que l'accusation de partialité s'étendait à tous les médias et, d'autre part, que sa rédaction, à l'instar des autres, refusait tout bonnement d'entendre la mise en garde. " Une partie du public, comme pendant la campagne référendaire de 2005, nous demande de faire mieux notre boulot, mais, à l'intérieur, ils ne m'écoutent pas ", se désolait l'infortunée Cassandre - dont nous tairons le nom pour ne pas gêner son travail. " Ce n'est pas concerté, il y a un côté moutonnier, peut-être un peu de sexisme, je ne sais pas ! "

Le Monde ayant reçu plus que sa part d'insultes sur ce thème, une vérification s'imposait. Les lecteurs, partisans, ont-ils développé une sensibilité d'écorchés, comme le suggèrent les journalistes concernés, honnêtement convaincus de bien faire ? Ou y a-t-il quelque chose qui cloche dans notre couverture, comme le soutiennent, preuves à l'appui, des dizaines de lecteurs, tous les jours ?

Premier constat : cette campagne, nouvelle dans sa forme, impose aux journalistes une adaptation délicate. Bataille d'images plus que de programmes ou de partis, elle oppose frontalement deux grands " communicants ", Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, passés maîtres dans l'art du " plan médias ". Le principe est simple : pour contrôler les journalistes, il suffit de les occuper. Pas un jour, donc, sans une information " exclusive ", une phrase, un " événement ", un voyage, etc. D'où cette désagréable impression d'une " main invisible " manipulant une presse consentante. " Les journalistes politiques ne sont finalement que l'extension des services de communication des politiques ", déplore Silvère Foucault (Nantes).

La rédaction du Monde n'est pas consentante. Mais comment résister ? Ignorer les " événements " créés à dessein revient à se couper de l'actualité, relayée en boucle par un univers médiatique de plus en plus concurrentiel et immédiat. " Trois jours après, on y vient quand même, et mal ", constate Arnaud Leparmentier, chef du service France. La réponse est un système à plusieurs niveaux. Un : quelques journalistes accrédités suivent pas à pas les candidats et rapportent leurs faits et gestes. Deux : des enquêteurs démontent, dans toute la mesure du possible, les " plans médias ". Trois : des reporters vont sur le terrain prendre le pouls des électeurs. Quatre : des rédacteurs spécialisés expertisent les propositions sur le fond, tandis que des éditorialistes les commentent.

Cette répartition des tâches, mal comprise par les lecteurs, explique en partie le malaise. Une relecture minutieuse des articles depuis un mois montre en effet que le suivi des candidats, fort critiqué, est, en réalité, très correct. Les deux campagnes sont également racontées, sur un ton qui, certes, varie en fonction du journaliste, mais ne traduit ni empathie ni animosité particulière. D'ailleurs, les critiques, par leur excès, s'annulent : on ne peut reprocher aux rédacteurs de narrer la réalité des campagnes avec leurs hauts et leurs bas, leurs incidents et leurs triomphes ; on ne peut pas non plus, dans le même temps, les taxer de " complaisance ", et d'" hostilité ".

Un journaliste n'est pas une machine. Le travail des accrédités est éreintant et délicat. Deux articles remarquables, parus les 20 et 21 février, ont raconté l'envers du décor. Philippe Ridet et Isabelle Mandraud, qui, depuis des mois, collent aux basques respectivement de M. Sarkozy et de Mme Royal, y analysent sincèrement leurs difficultés à conserver la juste distance par rapport à ces séduisants manipulateurs. Au titre du " démontage ", Le Monde fait d'ailleurs beaucoup plus que lors des précédentes élections, détaillant par exemple, dès le 25 janvier, la " cellule riposte " de M. Sarkozy, les travaux d'approche auprès des célébrités, l'organisation des débats télévisés, etc. Idem pour les enquêtes de terrain, deux pages par semaine depuis le 9 décembre 2006. Ces articles font pièce aux accusations de " suivisme " ou de " perte de contact avec la réalité du pays " (Vincent Flouquet, courriel).

Reste la partie " expertise ". C'est ici que le sentiment de " deux poids, deux mesures, selon que le candidat est de droite ou de gauche, homme ou femme " (Franck Lenoble, courriel) est le plus fondé. Car, si l'expertise s'est exercée dans les deux cas, elle n'a pas porté sur les mêmes domaines, reflétant des présupposés sur les candidats - incompétence d'un côté, machiavélisme de l'autre. " Il est acquis une fois pour toutes, note le docteur Elie Arié (Paris), que Ségolène Royal, étant une femme, est forcément incompétente : Nicolas Sarkozy peut, dans la seule émission sur TF1 du 5 février, parler de la moitié des salariés français qui gagnent le smic (le chiffre est de 17 %), du baril de pétrole à 90 dollars (il n'a jamais dépassé 78 dollars), de l'inflation qui était autrefois à 24 % en France (elle n'a jamais dépassé les 14 %), ce n'est pas lui qu'on traitera  - d'incapable - . "

Vérification faite, M. Arié a raison, et Le Monde n'a pas relevé ces erreurs. Il n'a pas non plus tenté de chiffrer le programme du candidat UMP avant que Mme Royal ne soit accrochée sur ce thème, le 13 février - soit un mois après le discours d'investiture de M. Sarkozy. L'expertise à l'égard de ce dernier a porté sur ses relations avec la police, les fonctionnaires ou les syndicats, son QG, sa présence dans les banlieues, etc.

Fait aggravant, ces articles de critique, publiés avec retard (comme les dossiers par thème), accompagnent rarement les comptes rendus de campagne. Surtout, de même que les " démontages ", les reportages de terrain et les analyses, ils apparaissent dans d'autres parties du journal et ne sont donc pas assimilés par les lecteurs à la couverture politique stricto sensu. " Les informations éclairantes sont là, relève l'écrivain Jacques Gaillard, mais distillées comme à la dérobée, dans un coin, dans un supplément économique ou à quatre pages de celles relatant la campagne, tout en restant absentes des éditoriaux et des articles de fond. " Résultat : " En lieu et place d'une information critique et d'une analyse véritable ", la presse propose, " malgré elle ", dit-il, une " caricature ".

Véronique Maurus

          

          

© Le Monde




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