VDS95 CRPE ARTS VISUELS DADAÏSME
Le
dadaïsme, dit aussi dada est un mouvement intellectuel,
littéraire et esthétique d'avant-garde qui, entre 1916 et 1925, se caractérisa par
une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques,
artistiques, cinématographiques, politiques.
Il fut l'un des mouvements artistiques internationaux parmi les plus importants
et il fut peut-être le plus novateur du XXe siècle. La majeure partie des plus
grands artistes de ce siècle y sont passés ou ont été influencés par lui. Ce
mouvement a mis en avant l'esprit d'enfance, le rejet de la raison et de la
logique, l'extravagance, la dérision et l'humour. Ses artistes se voulaient
irrespectueux, extravagants, avec un mépris total pour les vieilleries du passé
et recherchaient la plus grande liberté de créativité pour laquelle ils
utilisèrent tous les matériaux et formes disponibles. Ils cherchaient aussi
cette liberté particulièrement dans le langage qu'ils aimaient lyrique et
hétéroclite.
Le
dadaïsme n'est « ni un dogme, ni une école, mais plutôt une constellation
d'individus et de facettes libres ». Dada est donc hétéroclite, spontané,
sans véritable chef de file. Son début date d'une soirée capharnaüm au cabaret
Voltaire de Zurich le 14 juillet 1916 (création du Manifeste
DaDa par Hugo Ball), par une assemblée cosmopolite de jeunes gens
marqués par les carnages de la grande guerre,
et s'étend vers différents points du monde occidental pour s'éteindre en 1923.
On
peut voir Johannes Baader (1875-1955) interpeller un
pasteur en plein sermon dans la cathédrale de Berlin, Kurt
Schwitters (1887-1948) élaborer un collage raffiné de bouts de
papier soigneusement ramassés dans le caniveau ou Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) se lancer dans
une danse endiablée après s'être vêtue d'un costume de carton peint.
Usuellement,
il est dit qu'il fut ainsi nommé par pur hasard ludique. À l'aide d'un
coupe-papier, quelques artistes européens ouvrent au hasard un dictionnaire
et tombent sur le mot «dada». En réaction à l'absurdité et à la tragédie
de la Première Guerre mondiale, ils baptisent le mouvement qu'ils viennent de
créer en ce nom et aussi en opposition avec tous les mouvements se finissant en
-isme.
En
fait, selon Giovanni Lista, il s'agissait plutôt d'une
volonté délibérée d'ancrer le mouvement dans un retour aux valeurs de
l'enfance : à la fin du XIXe siècle, lors de la polémique sur la
représentation exacte du cheval dans l'art, Gauguin
avait déclaré : « Quant à moi, j'ai reculé dans mon enfance
jusqu'à mon dada ». Hugo Ball, le fondateur du mouvement déclara
aussi, juste avant guerre, qu'il devait « sauver le petit cheval de
bois ». C'est ce qui l'incitera à donner ce nom au mouvement. Un peu
avant la fin de la guerre le mouvement dada s'installe en Allemagne, en
particulier à Berlin,
où il s'accompagna d'une révolte politique à tendance marxiste,
à Hanovre
et à Cologne.
Succédant à des révoltes individuelles et solitaires contre la civilisation
occidentale, (Arthur Rimbaud a « assis la beauté sur
ses genoux et l'a trouvée amère »), cristallisée par l'épreuve du
conflit de 1914-1918, la contestation culturelle de Dada se manifeste par la
truculence provocatrice et la dérision, souvent au cours de manifestations
publiques. Hannah Höch qui dessinait des patrons de
couturier pour une revue, les utilisait en découpage sauvage pour en faire des
collages politiques. De façon générale et pour la première fois, les femmes
sont acceptées comme artistes à part entière, comme camarades de jeu, comme
complices et complémentaires des hommes, « traitées comme des
collègues » et non plus seulement comme des amantes, des « amatrices
douées» ou des « objets de sublimation dans l'art ». Le mouvement
dada s'est déployé dans le monde entier et son esprit s'est conservé dans le
temps, influençant des artistes comme Ernst,
Breton,
Crevel, Desnos, Jacob, Soupault,
Robert et Sonia Delaunay.
Dès
1920, le mouvement Dada
commence à s'essouffler et à se déliter; il n'était pas fait pour durer et
s'institutionnaliser et aucun de ses fondateurs ne l'a d'ailleurs jamais
envisagé.
On
s'accorde peu en réalité sur la fin du Dadaïsme. Il faudrait davantage montrer
les dates de décès avancées par les différents dadas : Aragon,
dans son Projet d'histoire littéraire contemporaine, fait mourir dada
dès 1921-1922. Il dit aussi que les « Vingt-cinq poèmes » de Tristan Tzara
« l'avaient saoûlé toute sa vie ». En novembre 1921, la revue belge Ça
Ira !, dans un numéro dirigé par Clément Pansaers et Francis
Picabia, proclame que Dada est mort. André Breton,
trouve que « Dada tourne en rond » et usuellement, il est dit
que la publication en 1924,
du « Manifeste du surréalisme », signe la fin historique du
dadaïsme. Beaucoup de surréalistes sont d'anciens dadas mais le surréalisme
n'est pas l'héritier culturel du dadaïsme. Le surréalisme est certes chahuteur
mais surtout très inquisiteur et très soucieux de syntaxe impeccable et de
beautés inaccessibles. Cependant, le procès de Maurice
Barrès marque la décomposition véritable des dadaïstes. Le projet du
jugement, même parodique, de l'académicien Maurice Barrès, n'était pas sans
déplaire à Tzara, Picabia, Ribemont-Dessaignes, Satie, Pansaers, qui s'opposaient
à l'idée d'un tribunal, et plus particulièrement d'un tribunal révolutionnaire.
Tzara n'intervient que comme témoin, laissant à Breton le soin de diriger le
procès. Le procès tourne rapidement au désastre. Tzara s'exclame :
"Je n'ai aucune confiance dans la justice, même si cette justice est faite
par Dada. Vous conviendrez avec moi, monsieur le Président, que nous ne sommes
tous qu'une bande de salauds et que par conséquent les petites différences,
salauds plus grands ou salauds plus petits, n'ont aucune importance."
Puis, répondant à la question, agressive il s'entend, de Breton : "Le
témoin tient-il à passer pour un parfait imbécile ou cherche-t-il à se faire
interner ?", Tzara lance " Oui, je tiens à me faire passer pour
un parfait imbécile et je ne cherche pas à m'échapper de l'asile dans lequel je
passe ma vie." Le fondateur du mouvement quitte violemment la salle,
aussitôt suivi par Picabia et ses amis, au moment où Aragon commençait son
plaidoyer, plus contre le tribunal que contre Barrès, qui fut d'ailleurs
condamné à vingt années de travaux forcés. Cette journée du 13 mai 1921 marque
donc véritablement la fin du mouvement.
Cette
fin était cependant à prévoir, et nombreux sont les artistes du mouvement à
avoir annoncé, cela dès sa fondation, que Dada devrait un jour finir, que sa
fin était comprise dans son entreprise même.
- Louis
Aragon, Céline Arnauld, Maria d'Arezzo, Jean Arp
- Johannes
Baader, Alfred Grünewald Baargeld,
Matthias Grünewald Baargeld,
Hugo
Ball, Jacques Baron, André
Breton, Gabrielle Buffet-Picabia
- Serge Charchoune, Christian,
Paul Citroën, Jean
Cocteau, Arthur Cravan, Jean
Crotti
- Paul
Dermée, Otto Dix, Theo van Doesburg, Arthur Dove, Katherine Dreier, Marcel
Duchamp, Suzanne Duchamp, Raymond Duchamp-Villon
- Viking
Eggeling, Gala Eluard, Paul
Éluard, Max Ernst, Agnes Ernst Meyer, Germaine Everling, Julius
Evola
- Wilhelm Fick, Otto Flake, Théodore Fraenkel, Otto Freundlich, Elsa von Freytag-Loringhoven,
Salomon Friedländer (Mynona)
- William Glackens, Valeska
Gert, Camille Goemans, Ivan
Goll, Jeff Golyscheff, Max Goth, George
Grosz
- Marguerite Hagenbach, Marsden Hartley, Raoul
Hausmann, Paul Haviland, John
Heartfield, Jean Van Heeckeren, Walter Helbig, Franck Hellens, Georges Herbiet, Wieland Herzfelde, Julius Heuberger, René Hilsum, Hannah
Höch (Dadasophin), Jacob Van Hoddis, Angelica Hörle, Richard Huelsenbeck, Vicente Huidobro
- Marcel
Janco, Paul Joostens
- Alfred
Kreymborg
- Adon Lacroix, Mina Loy, Oscar Lüthy
- Vladimir
Mayakovski, Émile
Malespine, Kasimir
Malevitch, Rolph de Maré, John Marin, Pierre
de Massot, Walter
Mehring, E.L.T. Mesens, Robert
Motherwell
- Katherine
Nash Rhoades, Alan Norton
- Georgia
O'Keeffe
- Ivo Pannagi, Clément
Pansaers, Francis Picabia
- Raymond
Radiguet, Man Ray, Otto van Rees, Pierre Reverdy, Georges
Ribemont-Dessaignes, Hans Richter, Jacques Rigaut, Henri-Pierre
Roché, Mies van
der Rohe, Raymond Roussel
- Erik Satie, Christian Schad, Morton Schamberg, Kurt Schwitters, Franz Seiwert, Walter Serner, Claude Sernet, Philippe
Soupault, Edward Steichen, Kate Steinitz, Alfred Stieglitz, Paul Strand
- Sophie
Taeuber-Arp, Dorothea Tanning, Vladimir Tatline, Clara Tice, Guillermo
de Torre, Tristan Tzara
- Jacques Vaché, Edgar Varèse, Henry van
de Velde, Ilarie Voronca
- Beatrice
Wood
- Marius de Zayas, Ilya Zdanévitch (Iliazd)
D'autres
personnalités et d'autres mouvements ont été profondément marqués par le
mouvement dada, dont : Louise Arensberg, Walter Conrad Arensberg, Arman,, Ben,
Daniel Buren,
Maurizio Cattelan, César, Christo,
Robert
Delaunay et Sonia Delaunay, Katherine
Dreier, Renée Dunan, Robert
Filliou, le mouvement Fluxus, Eva Grosz, Emmy Hennings,
Thomas Hirschhorn, Jasper Johns,
Lavier, Malaval, Annette
Messager, le mouvement Néo-dadaïste, le mouvement nouveaux réalistes, le mouvement Pop art,
Rauschenberg,
Niki de Saint Phalle, Helma Schwitters, Jean Tinguely,
Manuella Kohou.
Citations Jean Arp : « Vous aussi, bel
homme, jolie femme, vous êtes dada, seulement vous ne le savez pas. Demain dada
aura un visage différent d'aujourd'hui et pour cette raison sera dada. Dada,
c'est la vie. » « Dada est un cri, c'est
le vide érigé en art de vivre. » Hugo Ball :
« Ce que nous appelons dada est une bouffonnerie
issue du néant. » Hannah Höch
a développé, avec son compagnon Raoul
Hausmann, le photomontage « en voulant
suggérer, avec des éléments empruntés au monde des machines, un monde onirique,
nouveau et parfois terrifiant. » né de l'envie de « faire une chose belle et une joie pour toujours,
d'éléments dont on n'attendait plus ni beauté ni joie. » Francis
Picabia : « Rien pour demain, rien
pour hier, tout pour aujourd'hui. » Tristan Tzara :
« Dada ne signifie rien. » « Dada est un microbe vierge. » En 1922, lors d'une
conférence à Weimar et Iéna, il dit : « Dada met
une douceur artificielle sur les choses, une neige de papillons sortis du crâne
d'un prestidigitateur. » Plus tard, il dira : « Dada est la danse des impuissances de la création. »
« Les débuts de dada n'étaient pas les débuts d'un
art mais ceux d'un dégoût. » En 1963, il dit : « Dada n'était pas seulement l'absurde, pas seulement une
blague, dada était l'expression d'une très forte douleur des adolescents, née
pendant la guerre de 1914. Ce que nous voulions c'était faire table rase des
valeurs en cours, mais, au profit, justement des valeurs humaines les plus
hautes. »
Œuvres Les artistes dadas ont été aussi bien des écrivains
que des peintres, cinéastes, photographes et musiciens (le courant musical dada
étant bien trop méconnu). On préférera ne pas catégoriser les publications,
mais montrer ce qu'ont réalisé chacun de ces artistes. L'exposition 2005 du Centre Georges-Pompidou a présenté plus de
deux mille pièces. Jean (ou Hans) Arp Symétrie pathétique broderie d'apès
un dessin de Jean Arp.
Fleurs-marteau Marcel Duchamp Roue de bicyclette (1915), première œuvre du ready-made,
il s'agit d'une roue de bicyclette fixée sur un tabouret. L'Urinoir (1917), qui a ouvert la
voie de la théorie du ready-made, concernant des objets du quotidien qui ne sont pas
fondamentalement de l'art, mais le deviennent si on le décide. L.H.O.O.Q.
(elle a chaud au cul) (1919, désacralisant la Joconde,
avec moustache, barbiche... Tu m' (1920). Rotative plaques
verre (1920),
art pré-psychédélique. Marcel Duchamp as Belle Haleine (1921), photographie en
collaboration avec Man Ray. Disques avec spirales (1923), art
pré-psychédélique. la Mariée mise à nu par ses célibataires, même d(1923). Flacon de parfum Belle
Haleine avec Rrose Sélavy (Éros c'est la vie) sur
l'étiquette. La Chute d'eau Le Gaz d'éclairage Suzanne
Duchamp Ariette. D'oubli de la chapelle étourdie (1920). Ready-made malheureux
de Marcel (1919),
traité de géométrie à suspendre à son balcon. Max Ernst
La bicyclette graminée garnie de grelots, les grisons grivelés et les
échinodermes courbants l'échine pour quêter des caresses (1920-1921). George Grosz Remember Uncle August, the
Unhappy Inventor (1919). Raoul Hausmann L'Esprit de notre temps,
(Der Geist unserer Zeit), tête mécanique (1919). Hannah Höch
Paire de mariés bourgeois (1927), huile sur toile représentant un mannequin en bois
habillé de voile blanc aux côtés d'un marié en frac. Da-Dandy, collage. Francis
Picabia Jeune fille (1920), une encre sur
papier. Volucelle II (1922). Dresseur de chien (1923) qui annonce le Dresseur
d'animaux (1937).
Man Ray Lautgedicht (1924). Kurt
Schwitters Merz Picture 46 A (The Skittle Picture) (1921), un cadre et des
petits objets fixés. Sophie Taeuber-Arp Gardes (1918), une sculpture
articulée évoquant l'univers des marionnettes. Triptyque abstrait (1918), une huile sur toile
avec application de feuilles d'or. Masque de Janco (1918), masque. Tête
dada (1918).
Composition abstraite (1919), un collage Beatrice Wood
Un peu d'eau dans du savon (1917), collage loufoque avec un dessin de femme nue dont le
sexe est caché sous un vrai savon. Tzara, Janco,Huelsenbeck L'amiral
cherche une maison à louer (1916), poéme simultané en français, anglais et allemand
caractéristique et très fidèle à la philosophie Dada.
Bibliographie [modifier]
Publications par les Dadas Sept
Manifestes Dada de Tristan Tzara - 1924 Cet ouvrage est
publié alors que Dada est officiellement mort. La publication est une sorte de
concurrence avec le surréalisme naissant (Manifeste du surréalisme, André
Breton, 1924).
Fac-similés
- Tristan
Tzara :
- La
Première Aventure céleste de M. Antipyrine, illustré par Marcel
Janco - Reprint 2005 de l'édition originale de 1916.
- Cinéma
calendrier du cœur abstrait. Dessins de Arp, illustré par Arp -
Reprint 2005 de l'édition originale de 1920.
- Sept
manifestes Dada et quelques dessins de Francis Picabia, illustré par Picabia
- Reprint 2005 de l'édition originale de 1924.
- La
Première Aventure céleste de M. Antipyrine, illustré par Marcel
Janco - Reprint 2005 de l'édition originale de 1916.
Publications critiques
- François Buot : Tristan Tzara,
éd. Grasset
- Marc
Dachy :
- Journal
du mouvement Dada, 1915-1923,
éd. Skira, Genève, 1989
- Archives
dada, éd. Hazan
- Dada, éd.
Gallimard
- Journal
du mouvement Dada, 1915-1923,
éd. Skira, Genève, 1989
- Gérard Durozoi : Dada et les arts
rebelles, éd. Hazan, coll. Guide des Arts
- Serge
Lemoine : Dada, éd. Hazan, coll. L'Essentiel
- Giovanni
Lista : Dada libertin & libertaire, éd.
L'insolite. Histoire, origines, analyses politiques et esthétiques,
anecdotes, biographies.
- Christian Nicaise : Tristan
Tzara : Les Livres, éd. L'Instant perpétuel, Rouen, octobre 2005.
ISBN
2-905598-90-5.
- Michel Sanouillet : Dada à
Paris, éd. Flammarion, Paris, 1993
(réédition 2005, éd. du CNRS), une étude complète du mouvement
Expositions
- Catalogue de
l'exposition 2005 du Centre Georges-Pompidou, 1 024 pages.