Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
VDS
VDS
Publicité
Archives
VDS
Derniers commentaires
15 février 2007

Histoire sur la "DEMOCRATIE PARTICIPATIVE"

Tordre le cou aux contrevérités
      

Non, la " démocratie participative " n'est pas qu'un slogan électoral. L'histoire de cette notion remonte aux années 1960


A l'heure où la notion de démocratie participative est débattue dans la campagne présidentielle, Raymond Boudon (Le Monde daté 11-12 février) affirme qu'elle est intraduisible en anglais et en allemand - et donc pas claire.

Nul n'est bien sûr forcé de soutenir l'idée d'une démocratisation de la vie politique qui passerait par une participation plus importante des citoyens non élus dans la prise de décision. Cela n'autorise pas pour autant à proférer des contre-vérités. Non seulement le terme est traduisible en anglais, mais c'est aux Etats-Unis qu'il a été inventé.

Dès les années 1960, le mouvement étudiant commençait à parler de participatory democracy, et la notion fut théorisée par des universitaires importants comme Carole Pateman et Crawford Brough MacPherson dès les années 1970. Dans la dernière décennie, avec le succès du budget participatif de Porto Alegre, au Brésil, la notion a trouvé un écho international : il suffit pour s'en convaincre de faire une brève recherche sur Google dans les principales langues européennes, on y trouve des millions de pages indexées.

En allemand, le terme a, il est vrai, eu moins de succès car le budget participatif s'y traduit comme " budget citoyen " (Bürgerhaushalt), ce qui a par contrecoup limité l'usage de la notion de partizipative Demokratie.

La démocratie participative au sens strict se différencie de la démocratie de proximité, qui cantonne la participation dans le micro-local et pratique une écoute sélective des participants sans qu'une règle du jeu clairement établie permette de tirer une synthèse à la fin des débats et sans que les élus soient tenus d'expliquer pourquoi ils intègrent telle proposition et pas telle autre.

Elle implique d'articuler la démocratie représentative classique à des mécanismes de démocratie directe, permettant à des citoyens non élus de participer à la prise de décision - directement, à travers des délégués étroitement contrôlés ou à travers des représentants tirés au sort, comme dans les jurys citoyens.

Durant la dernière décennie, tirant les leçons de l'histoire et bénéficiant des apports des théories politiques de la démocratie délibérative, les praticiens de la démocratie participative ont largement tourné le dos à l'informalité et au spontanéisme qui caractérisaient les années 1970 et ont commencé à mettre en place des procédures performantes. Celles-ci permettent aux citoyens qui participent d'avoir des discussions de qualité et de se forger une opinion éclairée sur les questions traitées.

" SAVOIR D'USAGE "

Dans ces démarches, le " savoir d'usage " des participants est souvent mobilisé pour être intégré à une gestion plus proche de ceux auxquels les services publics sont censés s'adresser. D'autres dispositifs, qui reposent sur le tirage au sort comme les jurys citoyens, les sondages délibératifs et les conférences de citoyens, font davantage appel au " bon sens ", celui dont se revendique Raymond Boudon.

Ce bon sens a été théorisé depuis la naissance de la démocratie en Grèce, il caractérise l'humain comme " animal politique ". Sans lui, quel pourrait être la légitimité du suffrage universel ? Ce bon sens politique impose aujourd'hui de reconnaître aux citoyens qui ne sont pas élus une vraie place dans le processus de prise de décision.

En ce sens, l'approfondissement de la démocratie représentative et le développement de la démocratie participative ne sont pas antinomiques mais, au contraire, complémentaires.

Yves Sintomer

Professeur de sociologie

à l'université Paris-VIII

                     

© Le Monde

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité