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2 juillet 2007

VDS95 PSYKA MAGIE

aSon besoin chez l’enfant

Mythes et contes de fées répondent aux éternelles questions : « A quoi le monde ressemble‑t‑il vraiment ? Comment vais‑je y vivre ? Comment faire pour être vraiment moi‑même ? » Les mythes donnent des réponses précises, alors que les contes de fées ne font que suggérer ; leurs messages peuvent sous‑entendre des solutions, elles ne sont jamais exprimées clairement. Les contes de fées laissent l’imagination de l’enfant décider si (et comment) il peut s’appliquer à lui‑même ce que révèle l’histoire sur la vie et sur la nature humaine. Le conte de fées procède d’une manière tout à fait adaptée à la façon dont l’enfant conçoit et expérimente le monde, et c’est pour cette raison que le conte lui paraît si convaincant. Il peut tirer beaucoup plus de soulagement du conte de fées que de toutes les idées et tous les raisonnement par lesquels l’adulte essaie de le rassurer. L’enfant fait confiance à ce que lui raconte le conte de fées parce qu’ils ont l’un et l’autre la même façon de concevoir le monde. Quel que soit notre âge, nous ne pouvons être convaincus que par une histoire conforme aux principes qui sont à la base de nos pensées. S’il en est ainsi pour l’adulte, qui a appris à admettre qu’il dispose de plus d’un cadre de références pour comprendre le monde – bien qu’en réalité il soit difficile, sinon impossible, de penser à un autre monde que le nôtre – c’est spécifiquement vrai pour l’enfant. Sa pensée est animiste. Comme tous les prélettrés et bien des lettrés, l’enfant tient pour établi que ses relations avec le monde animé des êtres humains : il câline, comme il le fait avec sa mère, les jolis Objets qu’il aime ; il frappe la porte qui s’est refermée sur lui. On peut ajouter qu’il caresse ces Objets parce qu’il est persuadé qu’ils aiment, comme lui être caressés ; et il punit la porte parce qu’il est certain qu’elle a fait exprès de se refermer, par pure méchanceté. Comme l’a montré PIAGET, la pensée de l’enfant reste animiste jusqu’à l’âge de la puberté. Ses parents et ses maîtres lui disent que les choses ne peuvent ni ressentir ni agir. Il a beau faire semblant de le croire, pour plaire aux adultes, ou pour ne pas être tourné en ridicule, il sait, tout au fonde de lui‑même, à quoi s’en tenir. Soumis à l’enseignement rationnel des autres, l’enfant enterre profondément ses « vraies connaissances » dans son esprit, à l’abri de la rationalité. Mais il peut être formé et informé par ce que les contes de fées ont à lui dire. Pour l’enfant de huit ans (pour citer les exemples de PIAGET) le soleil est vivant parce qu’il donne la lumière (et on peut ajouter qu’il la donne de son plain gré). Pour l’esprit animiste de l’enfant, la pierre est vivante parce qu’elle est capable de mouvement, lorsque, par exemple, elle roule sur le flanc de la colline. Même à douze ans passés, l’enfant est convaincu qu’un torrent est vivant et doué de volonté, parce que ses eaux coulent. Le soleil, la pierre et l’eau sont, croit l’enfant, habités par des esprits qui ressemblent beaucoup aux êtres humains et qui éprouvent et agissent comme eux. Il n’existe pas, pour l’enfant, de ligne de démarcation bien nette entre ce qui est inanimé et ce qui vit ; et ce qui vit possède une vie très proche de la nôtre. Si nous ne comprenons pas ce que les rochers, les arbres et les animaux ont à nous dire, c’est que nous ne sommes pas suffisamment en harmonie avec eux. Pour l’enfant, qui cherche à comprendre le monde, il paraît raisonnable d’espérer une réponse de la part de ces objets qui éveillent sa curiosité. Et comme l’enfant est égocentrique, il compte sur l’animal pour lui parler des choses qui, pour lui, ont une signification, comme le font les animaux dans les contes de fées et comme l’enfant lui‑même parle à ses animaux vivants ou en peluche. L’enfant est persuadé que l’animal comprend et réagit affectivement, même s’il ne le manifeste pas ouvertement. Etant donné que les animaux vagabondent librement dans le vaste monde, n’est‑il pas naturel que, dans les contes de fées, ils soient capables de guider le héros au cours de sa quête qui l’entraîne vers des endroits très éloignés ? Puisque tout ce qui bouge est vivant, l’enfant est autorisé à croire que le vent peut parler et conduire le héros là où il veut aller, comme dans « A l’est du soleil et à l’ouest de la lune ». Pour la pensée animiste, les animaux, non seulement ressentent et pensent comme nous, mais les pierres elles‑mêmes sont vivantes ; être changé en pierre signifie simplement qu’on reste silencieux et immobile pendant un certain temps. En suivant le même raisonnement, il est tout à fait crédible que des objets, jusque‑là silencieux, se mettent à parler, à donner des conseils et à accompagner le héros au cours de ses randonnées. Et comme tout ce qui est habité par un esprit semblable à tous les autres esprits (c’est‑à‑dire l’esprit de l’enfant que celui‑ci a projeté dans toutes ces choses), et en raison de cette similitude inhérente, on peut croire que l’homme peut être changé en animal, ou inversement, comme dans La Belle et la Bête et Le Roi‑Grenouille. Puisqu’il n’y a aucune ligne de démarcation nette entre ce qui vit et ce qui est inanimé, ce qui est inanimé peut être appelé à vivre. Lorsque les enfants, comme les grands philosophes, cherchent à répondre à toutes ces questions : « Qui suis‑je ? Que dois‑je faire vis‑à‑vis des problèmes posés par la vie ? Que vais‑je devenir ? », ils le font sur la base de leur pensée animiste. Mais comme l’enfant ne sait pas très bien en quoi consiste l’existence, il se pose avant tout cette question : « Qui suis‑je ? ». Dès que l’enfant commence à se déplacer et à explorer, il se met à s’interroger sur le problème de son identité. Tout en épiant sa propre image dans une glace, il se demande si ce qu’il voit est vraiment lui, ou un enfant qui lui ressemble et qui se trouve de l’autre côté du miroir. Il essaie de découvrir la vérité en cherchant si cet autre enfant lui est vraiment semblable sur tous les points. Il fait des grimaces, se tourne et se détourne, s’éloigne de la glace et revient d’un bond devant elle, pour voir si l’autre s’en est allé ou se trouve toujours là. Dès l’âge de trois ans, l’enfant affronte déjà le difficile problème de l’identité personnelle. Il se demande : « Qui suis‑je ? D’où viens‑je ? Comment le monde a‑t‑il été créé ? Qui a créé l’homme et les animaux ? Quel est le but de la vie ? » A vrai dire, il s’interroge sur ces questions vitales non pas dans l’abstrait, mais parce qu’elles le concernent. Il ne s’inquiète pas de savoir si la justice existe pour chaque Individu en particulier, mais si, lui, sera traité de façon équitable. Il se demande qui ou quoi le plonge dans l’adversité et cherche à savoir ce qui pourrait le protéger. Existe‑t‑il des puissances tutélaires en dehors de ses parents ? Comment doit‑il se former, et pourquoi ? Peut‑il avoir de l’espoir, en dépit de ce qu’il a pu faire de mal ? Quelles seront les conséquences pour son avenir ? Les contes de fées fournissent des réponses à toutes ces questions pressantes et l’enfant en prend conscience à mesure qu’évolue l’histoire. Si nous nous plaçons à un point de vue d’adulte, et dans les termes de la science moderne, les réponses fournies par les contes de fées sont plus fantastiques que réelles. Comme on peut s’y attendre, ces solutions semblent si incongrues aux yeux de nombreux adultes (qui sont devenus étrangers aux moyens par lesquels les enfants expérimentent le monde) qu’ils refusent de transmettre à l’enfant des informations aussi « fausses ». Cependant, les explications réalistes sont d’ordinaire incompréhensibles pour l’enfant qui est dépourvu de la faculté d’abstraction qui seule peut leur donner quelque sens. L’adulte, lorsqu’il donne une explication scientifiquement juste, croit clarifier les choses pour l’enfant alors que ces explications le laissent désemparé, dépassé et intellectuellement vaincu. L’enfant ne peut tirer un sentiment de sécurité que s’il est certain d’avoir compris ce qui, auparavant, le déconcertait. Il ne peut certainement pas obtenir le même résultat si on lui livre des faits qui engendrent de nouvelles incertitudes. Même s’il accepte une réponse de ce genre, l’enfant en vient à se demander s’il a posé la bonne question. Puisque l’explication, pour lui, ne peut avoir de signification, elle doit correspondre à quelque problème inconnu et non à celui qu’il a énoncé. Il est donc important de ne pas oublier que seules les affirmations que l’enfant peut comprendre dans les termes de ses connaissances du moment et de ses préoccupations affectives peuvent emporter sa conviction. Si on dit à l’enfant que la terre flotte dans l’espace, selon les lois de l’attraction universelle dans le mouvement qu’elle décrit autour du soleil, mais que la terre ne tombe pas sur le soleil comme lui, l’enfant, le fait, sur le sol, attiré par la pesanteur, on doit le dérouter énormément. L’enfant sait, par sa propre expérience, que tout doit nécessairement reposer sur quelque chose, ou être tenu par quelque chose. Seule une explication fondée sur cette certitude peut lui faire sentir qu’il comprend mieux le mouvement de la terre dans l’espace. Chose plus importante encore : pour se sentir en sécurité sur la terre, l’enfant a besoin de savoir que notre monde est solidement tenu en place. Il trouve donc une meilleure explication dans un mythe qui lui raconte que la terre repose sur le dos d’une tortue, ou qu’elle est tenue par un géant. Si l’enfant tient pour vrai ce que lui disent ses parents, que la terre est une planète que la gravitation maintient solidement sur sa route, il peut alors à la rigueur imaginer que cette fameuse gravitation est une sorte de ficelle. L’explication des parents n’a donc pas abouti à une meilleure compréhension non plus qu’à un sentiment de sécurité. Il faut une maturité intellectuelle considérable pour croire que notre propre vie peut être stable alors que le sol sur lequel nous marchons (ce qui existe de plus solide autour de nous, sur quoi repose toute chose) tourne à une vitesse incroyable sur un axe invisible. Qu’au surplus la terre tourne autour du soleil, et qu’elle est propulsée à travers l’espace avec l’ensemble du système solaire. BETTELHEIM n’a jamais rencontré un enfant prépubère qui pût comprendre la combinaison de tous ces mouvements, mais il a connu beaucoup qui pouvaient réciter toutes ces informations. Ces derniers répètent comme des perroquets des explications qui, selon l’expérience qu’ils ont du monde, sont des mensonges, mais qu’ils doivent tenir pour vraies parce que c’est un adulte qui a parlé. Il en résulte que ces enfants finissent par douter de leurs propres expériences, et donc d’eux‑mêmes et de ce que leur esprit peut faire pour eux. Au cours de l’automne 1973, la comète KOHOUTEK a défrayé la chronique. A cette époque, un professeur de sciences très compétent expliqua ce qu’était une comète à un petit groupe d’enfants remarquablement intelligents, de sept à neuf ans. Chaque enfant avait soigneusement découpé un cercle de papier et avait dessiné sur celui‑ci la trajectoire des planètes autour du soleil. Une ellipse en papier, , fixée dans une fente pratiquée dans le cercle, représentait la trajectoire de la comète. Les enfants montrèrent à BETTELHEIM la comète qui se déplaçait selon un certain angle par rapport aux planètes. Sur une question que BETTELHEIM leur posait, les enfants répondirent qu’ils avaient en main la planète et lui montrèrent l’ellipse. Comme BETTELHEIM leur demandait comme ils pouvait se faire que ce qu’ils avaient en main pouvait en même temps être dans le ciel, ils demeurèrent tous perplexes. Au plus fort de leur confusion, ils se tournèrent vers leur maître qui leur expliqua avec le plus grand soin que ce qu’ils avaient en main, et qu’ils avaient créé avec tant d’application, n’était qu’une représentation des planètes et de la comète. Les enfants convinrent tous ensemble qu’ils avaient compris et, si on les avait questionnés, ils aurait été capables de tout répéter. Mais alors que, un peu plus tôt, ils avaient regardé avec fierté l’ensemble cercle‑ellipse qu’ils tenaient à la main, l’Objet n’avait plus aucun intérêt pour eux. Certains en firent une boule, d’autres laissèrent tomber la maquette dans la corbeille à papier. Tant que, pour eux, les morceaux de papier avaient été des comètes, ils avaient eu envie de les ramener chez eux pour les montrer à leurs parents. Maintenant, ils avaient, à leurs yeux, perdu toute signification.

bLa magie dans divers registres

Jamais le conte n'est remis en cause, même s'il est coutumier d'entorses à la logique que l'on ne tolèrerait pas dans un autre cadre narratif : la magie surgit un peu partout, les animaux parlent, les gens ressuscitent ; pire encore, le récit lui-même n'est pas toujours très rationnel. Il y a en cette tolérance au merveilleux, au magique et à l'étrange, l'expression de l'acceptation d'une certaine distance au monde réel, qui est en fait compensée par une proximité au monde interne, monde où s'élaborent les images et les symboles - le préconscient, la terre du rêve. Et il y a dans cette tolérance à l'illogique du récit la reconnaissance de sa nécessité interne, l'abdication de l'ordre quotidien face au sens profond du conte qui est traduit par des comportements proches de ce que FREUD décrivait comme l'acte manqué.

Parce que l'on sait que l'on entend un conte, on tolère cette liberté narrative qui nous met en connexion avec les strates profondes du Moi ; le conte est lui-même un objet, c'est‑à‑dire que, comme nos méchants déterminés par leur nature, la lecture de ces histoires est, elle aussi, déterminée par leur nature de conte : on leur accorde le droit à l'illogique, en échange de quoi on attend d'elles une connivence particulière avec notre monde intérieur, propre à nous donner des leçons sur nous-mêmes.

Cela correspond aux conceptions archaïques : pour l'enfant, et pour l'inconscient, cette fusion nom/chose est beaucoup plus brute et radicale que le réel ne le tolère à des stades plus complexes. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler de la jouissance qu'a l'enfant, découvrant la parole, à nommer ce qui l'entoure, et à en éprouver d'une façon projective (si je sais comment on le dit, je peux le demander : je n'en manquerai plus) la possession - jouée, intériorisée, mais possession tout de même, du moins de principe : on saisit le principe de l'objet, son essence, sa place dans l'univers. Donc le conte utilise cette connexion directe pour illustrer une emprise a priori extraordinaire, et renforcer par la même occasion son allégeance aux strates les plus absconses de notre compréhension. Ainsi dans certains contes les enfants, par une bonne parole ou l'ingestion d'un élément magique (la parole est aussi du domaine oral, ce qui renforce ses relations à la possession, l'avalement du monde) ont acquis le pouvoir étrange de cracher des gemmes pour chaque mot qu'ils emploient : on pourra lire dans cette nouvelle capacité l'expression littérale, symbolique, de leur récent talent à exprimer cette possession (ici presque vulgairement pécuniaire) du monde par le verbe. A l'inverse il faut remarquer que les héros ne sont pas nommés : c'est en quelque sorte pour que l'on puisse mieux se glisser dedans. Il en va autrement des méchants, qui héritent par contre d'un sobriquet quelconque, et ainsi trouvent une place dans le conte : ils n'en sortent pas ; nous n'avons rien à craindre d'eux, la sphère de leurs maléfices restera prisonnière des mots du récit, des territoires imaginaires.

La femme de Barbe Bleue attend le retour de son mari après sa macabre découverte, au lieu de s'enfuir ; le Chaperon Rouge ne reconnaît pas le loup, même allongée à ses côtés ; la femme de Barbe Bleue veut être trouvée parce qu'elle a fauté : si son geste va à l'encontre de la raison éveillée, il est encore dans le domaine de la logique de l'inconscient ; si le Chaperon Rouge se couche avec le loup, c'est parce qu'elle ressent un attrait équivoque pour lui : on pourrait croire qu'elle se ment à elle-même pour répondre à une attraction trouble qui la secouerait, sans qu'elle se l'avoue, depuis les territoires ombrageux du préconscient.

La proximité de l'inconscient, de ses associations et de ses raccourcis, prépare largement le terrain au surgissement de cet irrationnel ; mais il faut éclairer un peu plus avant quel y est le rôle exact de la magie opératoire : par cela il faut entendre celle qui est utilisée par les personnages pour servir leurs intérêts, celle qui donne un pouvoir réel sur le monde et donne accession à ces modelages du réel qui enclosent une partie non négligeable du sens du récit.

Il semblerait que l'on puisse essentiellement lui distinguer deux canaux principaux, qui sont d'une part l'utilisation d'objets magiques, et d'autre part celle du pouvoir des mots.

Le premier cas nous rappelle évidemment à la conception très animiste de l'univers merveilleux. C'est l'objet, sa matière qui enclot la magie. L'objet magique retire deux caractéristiques principales de cette nature animiste : premièrement, il est issu de l'Autre Monde, celui des esprits, il y gagne une essence particulière qui s'exprime dans la symbolique forte de son incarnation (une pomme, une clef, un œuf, une quenouille, autant d'éléments déjà chargés d'un sens par leur histoire) ; il est aussi en rapport avec les strates les plus profondes du monde (de l'inconscient), et retire de cette parenté la caractéristique de son pouvoir. Deuxièmement, il est doué d'une vie, d'une volonté propre, et agit au même titre qu'un personnage.

Parfois l'objet est remplacé par un animal ou une créature anthropomorphe dont la nature est proche de ces lieux telluriques où naît l'irrationnel. Dans ce cas-là, il y a un rapprochement fréquent entre auxiliaire et objet magique (la Reine Grenouille sous terre) : l'essence de l'auxiliaire l'investit des mêmes prérogatives que l'objet.

Dans tous les cas, le pouvoir vient de cet objet, ou, plus loin, de ces accointances avec un monde plus bas, et non pas d'un sort imputable aux seules compétences du héros, ou de l'intervention d'une puissance transcendantale (hormis après la christianisation, ce qui correspond à une pollution des formes archaïques).

La pomme qu'avale Blanche Neige reste efficace tant qu'elle est elle-même présente dans la gorge de la jeune fille ; une fois recrachée, par accident ou émotion, une fois absente, elle n'a plus aucun effet. Le miroir de la méchante Reine, toujours dans Blanche Neige, est humanisé, doué de parole,

C'est une occurrence assez fréquente, dont l'utilisation intervient sensiblement aux mêmes moments que celle de l'objet ou auxiliaire magique. Cependant, elle correspond à une optique sensiblement différente : le combat ou l'affrontement est plus souvent ramené à un jeu de dialogues, une joute oratoire. Le héros a alors deux alternatives, à savoir soit vaincre par l'intelligence, soit utiliser un mot qui lui donne un certain avantage sur son opposant. Car, à la différence de l'objet, le mot a ceci de particulier qu'il ne s'adresse sélectivement qu'à un adversaire, et n'a pas d'extension d'influence. C'est là en fait l'une de ses caractéristiques manifestes, trahissant une partie de sa nature et nous éclairant sur le procédé de son efficacité.

Une autre des caractéristiques de la magie des mots, découlant de sa nature, est son immédiateté : le mot magique prononcé, son action est logiquement déclenchée dans le même temps de son énonciation, puisque c'est cette dernière qui le fait exister - et son principe de façon synchrone. Là où le temps intervient, c'est dans l'acquisition du mot (la quête) ou sa domestication (l'épreuve) ; par ailleurs, on remarquera une relation de valeur inverse entre les deux : si la quête est rapide, la domestication sera d'autant plus difficile (le frère d'Ali Baba lui vole le mot sans gloire, et l'oublie une fois dans la caverne : il ne peut plus le prononcer) et vice-versa (la fermière met du temps à trouver le nom d'Outropistache, mais elle ne commet pas d'impair à son utilisation).

En général, le mot est affilié à une action (« Sésame ouvre-toi » : cela ouvre la porte de la caverne des voleurs) ou à un personnage (OUTROUPISTACHE le farfadet), et il n'est que cela. Signifiant parfait, il enferme le sens de son contenu d'une façon aussi exclusive que totale : le posséder, c'est posséder ce qu'il traduit.

 

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